L'École des femmes, Molière, chose obscène, quiproquo, ridicule, comédie, symbolique sexuelle, transfert de responsabilité, spectateur, grivoiserie, défloration, outrage à la pudeur, pulsions, fantasmes, scandale, La Critique de l'École des femmes, équivoque, astuce, pruderie
Nous allons tenter de montrer que l'obscénité de ce passage, de même que sa force comique, vient de ce que le texte est volontiers équivoque et qu'il ménage l'espace d'une double interprétation.
[...] L'aposiopèse vaut en effet comme un cas de pure signifiance, enrichi par un contexte dramatique et socioculturel qui pousse le lecteur spectateur du XVIIe siècle à suspecter une bévue sexuelle d'Agnès et à s'indigner d'un tel outrage à la pudeur, à l'instar d'Arnolphe qui craint le fiasco de sa manigance matrimoniale devant l'ingénuité de la jeune femme et tremble d'avance à l'idée que puisse être entachée l'honnêteté de chacun, à savoir la pudeur de sa future et son honneur à lui. En créant par la suspension une mise en attente du discours, Molière déjoue la médiation symbolique du langage requise par la pudeur et provoque chez le spectateur l'actualisation d'une virtualité possible en une prégnance obscène de l'image. [...]
[...] L'École des femmes, acte II, scène 5 Molière (1662) Dire l'obscène par l'équivoque Nous allons tenter de montrer que l'obscénité de ce passage, de même que sa force comique, vient de ce que le texte est volontiers équivoque, qu'il ménage l'espace d'une double interprétation. L'ambiguïté d'une scène comique : le quiproquo, l'obscène et le ridicule À un niveau diégétique tout d'abord, cette scène « du le » est entièrement construite comme un quiproquo autour de la chose obscène. Arnolphe s'aperçoit qu'en son absence le jeune Horace a rendu visite à Agnès, qu'il a prévu d'épouser, et craint que la naïveté qu'il a lui-même cultivée chez cette dernière ne puisse se retourner contre lui. [...]
[...] Selon Uranie, qui défend Molière avec le même esprit que lui, il faut bien faire preuve soi-même de quelque excitation impudique pour voir dans ce « le » d'Agnès une manifestation de l'obscène. Michèle Rosellini résume bien là encore la mécanique à l'œuvre : « Si la scène du ruban indigne si fort la prude marquise c'est que l'attente prolongée du substantif ruban qui livre nu l'article défini impose à son esprit le sens sexuel du terme manquant. Tel est le jeu de l'équivoque : elle désengage son auteur pour mieux enrôler son destinataire. » Ainsi, voilà l'astuce jubilatoire de Molière, qui fait le sel comique du passage et son scandale : amuser les grivois tout en prenant les prudes au jeu de leur propre pruderie. [...]
[...] Pour lui, l'obscène est un enjeu dramatique en soi ; en plus d'être ordurier, il est, selon l'étymologie, un mauvais présage : on comprend donc sans peine pourquoi Arnolphe n'a de cesse de craindre son dévoilement dès le début de la pièce où il tient Agnès cachée pour se préserver des cornes du cocufiage. L'honnêteté des deux personnages est donc, jusqu'au dénouement de la pièce, sans cesse mise en tension par l'obscène, dimension critique qui modifie et relance constamment leur rôle comique par l'ambivalence de l'interprétation. Un transfert de responsabilité : « c'est vous qui faites l'ordure » Dans l'aposiopèse d'Agnès, le déterminant est ambigu. Comment comprendre ici le sous-entendu grivois de Molière ? Quel objet honteux Horace a-t-il bien pu prendre à Agnès, selon les propres mots de cette dernière ? [...]
[...] Molière réussit donc ici à dire l'obscène sans le dire : en effet, si l'ordure est bien sous-entendue par l'auteur, celle-ci n'est pas exprimée textuellement et reste bien, en toute normalité, en dehors de la scena, dans la tête du spectateur. De cette manière, Molière se décharge de la responsabilité d'une transgression qu'il a lui-même savamment instillée au public. C'est par cette question de la responsabilité de l'obscène que l'on peut comprendre pourquoi L'École des femmes a autant divisé les spectateurs et déchaîné la critique dès ses premières représentations, notamment autour de cette « scène du le ». On accuse à l'époque Molière de vouloir créer le scandale pour faire la promotion de sa pièce et ainsi masquer ses profonds défauts. [...]
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