Poésie et peinture ont bien des affinités. En effet, le poète cherche souvent son inspiration dans le monde, et notamment dans la nature, qui l'entoure : ainsi Verlaine, souvent mélancolique, trouve dans les paysages un reflet en résonance avec son état d'âme (...)
[...] Ses descriptions, tout en nuances, semblent être, tout autant que des tableaux, la traduction de son paysage intérieur. Dans son recueil Sagesse, à un moment où Verlaine se convertit et rencontre Dieu, il retrouve une innocence qu'il croyait avoir perdue ; il connaît des instants d'apaisement qu'il traduit dans des descriptions de paysages simples, comme cette campagne où L'échelonnement des haies / Moutonne . Obéissant à sa sensibilité impressionniste, il se laisse guider par ses sensations pour construire et faire vivre un tableau campagnard, réel et irréel à la fois, dont la sagesse répond à celle qu'il recherche. [...]
[...] De même, les êtres qui peuplent ce tableau semblent fictifs. La présence des hommes n'est jamais évoquée directement et se fait par des figures de rhétoriques variées : les moulins du vers 5 entretenant un rapport métonymique avec leurs constructeurs, et les cloches du vers 15 suggérant ceux qui les font sonner. Ce flou intéresse même la syntaxe quand Verlaine a recours à une construction inhabituelle au vers 10, Voici se jouer, au lieu de Voici que jouent. Pourtant l'indice temporel est lui bien présent au vers un Dimanche, mais ce vague tendre et nostalgique qui émaille le poème est, en fait, une réponse de l'auteur à un des principes de son Art poétique qui exige que l'Indécis au Précis se joigne. [...]
[...] L'ambiance est réellement enfantine, innocente. Le moutonne du vers 2 évoque ce jeune âge, aussi bien Le Petit Prince de Saint-Exupéry avec le traditionnel dessine- moi un mouton que le jeu des cours de récréation, saute-mouton. Ensuite, les plantes et les animaux traduisent ce côté juvénile : au vers les baies sont jeunes tandis qu'au vers les poulains et leur agilité contribuent à cette candeur. Enfin, la jeunesse, la pureté et même l'innocence se trouvent suggérées par la valeur symbolique de la couleur blanc, rappelée par le verbe Moutonne et la laine blanche. [...]
[...] C'est d'abord la vue, avec le mot échelonnement qui organise la description en plans successifs. Le paysage se colore progressivement : le tableau d'ensemble est clair : - l'adjectif est utilisé deux fois, dès le début du poème, au début et à la fin du vers 3 - le ciel est comme du lait, et conclut le poème au vers 16. De plus, la luminosité et les contours sont atténués et rendus flous par le brouillard du vers 3. Sur ce canevas clair, le poète-peintre Verlaine ajoute une nuance de vert tendre (vers avec l'herbe des prairies, et de blanche candeur avec la laine blanche (vers 12) des brebis. [...]
[...] Peu à peu, ces sensations visuelles s'associent à des perceptions sonores de cloches au vers 15. Le poème commence avec la vision des haies qui moutonne(nt) comme la mer au vers 2 et s'achève avec l'onde (vers qui rappelle la mer, mais sonore cette fois. Ainsi, c'est l'ambivalence du terme, eau et son, qui permet cette perception d'une double sensation sous l'influence d'une unique stimulation. Ces perceptions, grâce à la comparaison du vers 15, De cloches comme des flûtes, sont donc liées à deux réalités. [...]
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