Duras, "Un barrage contre le Pacifique", "Une mère exemplaire"
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Lecture analytique du passage "Une mère exemplaire" tiré d'Un barrage contre le Pacifique de Marguerite Duras.
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I) L'apparence « biographique » du passage
A. La sobriété du récit B. Les repères temporels C. La citation des témoignages de la mère
II) La construction d'une mythologie familiale
A. Un personnage de mère exemplaire B. Les libertés romanesques du récit C. Telle mère, telle fille
Conclusion
Passage analysé
Un barrage contre le Pacifique est un roman autobiographique qui compte parmi les premières oeuvres de Marguerite Duras. Elle y transpose certains épisodes de sa jeunesse en Indochine. Le personnage de Suzanne est le double de l'auteur dans le roman. Suzanne et Joseph étaient nés dans les deux premières années de leur arrivée à la colonie. Après la naissance de Suzanne, la mère abandonna l'enseignement d'état. Elle ne donna plus que des leçons particulières de français. Son mari avait été nommé directeur d'une école indigène et, disaient-elle, ils avaient vécu très largement malgré la charge de leurs enfants. Ces années-là furent sans conteste les meilleures de sa vie, des années de bonheur. Du moins c'étaient ce qu'elle disait. Elle s'en souvenait comme d'une terre lointaine et rêvée, d'une île. Elle en parlait de moins en moins à mesure qu'elle vieillissait, mais quand elle en parlait c'était toujours avec le même acharnement. Alors, à chaque fois, elle découvrait pour eux de nouvelles perfections à cette perfection, une nouvelle qualité à son mari, un nouvel aspect de l'aisance qu'ils connaissaient alors, et qui tendaient à devenir une opulence dont Joseph et Suzanne doutaient un peu. Lorsque son mari mourut, Suzanne et Joseph étaient encore très jeunes. De la période qui avait suivi, elle ne parlait jamais volontiers. Elle disait que ç'avait été difficile, qu'elle se demandait encore comment elle avait pu en sortir. Pendant deux ans, elle avait continué à donner des leçons de français. Puis, comme c'était insuffisant, des leçons de français et des leçons de piano. Puis, comme c'était encore insuffisant, à mesure que grandissaient ses enfants, elle s'était engagée à l'Eden cinéma comme pianiste. Elle y était restée dix ans. Au bout de dix ans, elle avait pu faire des économies suffisantes pour adresser une demande d'achat de concession à la Direction générale du cadastre de la colonie. Son veuvage, son ancienne appartenance au corps enseignant et la charge de ses deux enfants lui donnaient un droit prioritaire sur une telle concession. Elle avait pourtant dû attendre deux ans avant de l'obtenir. Il y avait maintenant six ans qu'elle était arrivée dans la plaine, accompagnée de Joseph et de Suzanne, dans cette Citroën B.12 qu'ils avaient toujours.
Marguerite Duras, Un Barrage contre le Pacifique (1950)
I) L'apparence « biographique » du passage
A. La sobriété du récit B. Les repères temporels C. La citation des témoignages de la mère
II) La construction d'une mythologie familiale
A. Un personnage de mère exemplaire B. Les libertés romanesques du récit C. Telle mère, telle fille
Conclusion
Passage analysé
Un barrage contre le Pacifique est un roman autobiographique qui compte parmi les premières oeuvres de Marguerite Duras. Elle y transpose certains épisodes de sa jeunesse en Indochine. Le personnage de Suzanne est le double de l'auteur dans le roman. Suzanne et Joseph étaient nés dans les deux premières années de leur arrivée à la colonie. Après la naissance de Suzanne, la mère abandonna l'enseignement d'état. Elle ne donna plus que des leçons particulières de français. Son mari avait été nommé directeur d'une école indigène et, disaient-elle, ils avaient vécu très largement malgré la charge de leurs enfants. Ces années-là furent sans conteste les meilleures de sa vie, des années de bonheur. Du moins c'étaient ce qu'elle disait. Elle s'en souvenait comme d'une terre lointaine et rêvée, d'une île. Elle en parlait de moins en moins à mesure qu'elle vieillissait, mais quand elle en parlait c'était toujours avec le même acharnement. Alors, à chaque fois, elle découvrait pour eux de nouvelles perfections à cette perfection, une nouvelle qualité à son mari, un nouvel aspect de l'aisance qu'ils connaissaient alors, et qui tendaient à devenir une opulence dont Joseph et Suzanne doutaient un peu. Lorsque son mari mourut, Suzanne et Joseph étaient encore très jeunes. De la période qui avait suivi, elle ne parlait jamais volontiers. Elle disait que ç'avait été difficile, qu'elle se demandait encore comment elle avait pu en sortir. Pendant deux ans, elle avait continué à donner des leçons de français. Puis, comme c'était insuffisant, des leçons de français et des leçons de piano. Puis, comme c'était encore insuffisant, à mesure que grandissaient ses enfants, elle s'était engagée à l'Eden cinéma comme pianiste. Elle y était restée dix ans. Au bout de dix ans, elle avait pu faire des économies suffisantes pour adresser une demande d'achat de concession à la Direction générale du cadastre de la colonie. Son veuvage, son ancienne appartenance au corps enseignant et la charge de ses deux enfants lui donnaient un droit prioritaire sur une telle concession. Elle avait pourtant dû attendre deux ans avant de l'obtenir. Il y avait maintenant six ans qu'elle était arrivée dans la plaine, accompagnée de Joseph et de Suzanne, dans cette Citroën B.12 qu'ils avaient toujours.
Marguerite Duras, Un Barrage contre le Pacifique (1950)
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Extraits
[...] Marguerite Duras, Un Barrage contre le Pacifique (1950) Etude L'apparence biographique du passage La sobriété du récit Marguerite Duras donne à ce récit, inséré dans le roman, toutes les apparences d'une biographie objective. Tout d'abord, le récit à la troisième personne est caractérisé par une grande sobriété. Les verbes font alterner classiquement les temps du passé : imparfait, passé simple et plus-que-parfait. Les phrases sont en majorité assez courtes, et beaucoup n'ont pas de subordonnées. Toutes se terminent par des points : aucune exclamation, aucune interrogation, aucun point de suspension ne donne une tournure émotive aux phrases. [...]
[...] Suzanne et Joseph étaient nés dans les deux premières années de leur arrivée à la colonie. Après la naissance de Suzanne, la mère abandonna l'enseignement d'état. Elle ne donna plus que des leçons particulières de français. Son mari avait été nommé directeur d'une école indigène et, disaient-elle, ils avaient vécu très largement malgré la charge de leurs enfants. Ces années-là furent sans conteste les meilleures de sa vie, des années de bonheur. Du moins c'étaient ce qu'elle disait. Elle s'en souvenait comme d'une terre lointaine et rêvée, d'une île. [...]
[...] Celles-ci sont le plus souvent simplement juxtaposées. Les repères temporels De plus, les événements choisis dans la narration ne concernent que les grandes étapes de la vie : naissance des enfants, mort du mari, activités professionnelles successives : enseignement d'Etat, cours particuliers, puis piano à l'Eden cinéma. Les repères temporels sont nombreux et clairement posés. Des intervalles de plusieurs années forment les jalons du récit : dans les deux premières années pendant deux ans dix ans (répété deux fois), attendre deux ans six ans . [...]
[...] Telle mère, telle fille Enfin, on peut constater que les deux femmes manipulent leurs souvenirs d'une façon très comparable. Marguerite duras explique en effet comment sa mère transforme au fil des récits et du temps l'aisance d'autrefois en opulence dont Joseph et Suzanne doutaient un peu On a l'impression que cette idéalisation du passé s'applique autant à la mère qu'à la fille. Elle s'en souvenait comme d'une terre lointaine et rêvée, d'une île : ces mots ne pourraient-ils pas tout autant concerner les souvenirs que Marguerite a de sa mère ? [...]
[...] En premier lieu, ce court récit insiste sur l'aspect exemplaire de sa mère. Elle abandonne son travail pour s'occuper de ses enfants du vivant de son mari. Cette épouse aimante idéalise son mari défunt : l'accumulation de termes valorisants met en relief cet attachement, et surtout la répétition des mots perfection et nouvel(les) La comparaison du souvenir de sa vie de couple à une terre lointaine et rêvée à une île est le seul passage poétique du texte. Dans les difficultés, la mère devient héroïque : Marguerite Duras valorise les efforts accomplis par le personnage maternel, dans la structure même des phrases. [...]