Lecture analytique semi-rédigée du passage "La magie du cinéma" tiré d'Un barrage contre le Pacifique de Marguerite Duras.
[...] Ainsi le vrai remède au mal c'est l'art, le cinéma. Il est généreux et dispense ses bienfaits. Le champ lexical est très marqué par le mystique ouverte, offerte La nuit s'y métamorphose peu à peu en un long fleuve qui apporte la consolation où se consolent toutes les hontes et une nouvelle pureté : où vont se perdre tous les désespoirs et où se lave toute la jeunesse de l'affreuse crasse d'adolescence comme si dans ce bain de lumière Suzanne et les autres pouvaient acquérir, par la magie de la nuit du cinéma, une nouvelle virginité. [...]
[...] Cette accumulation de clichés, si elle échappe à Suzanne, trop bon public pour en prendre conscience, tout entière à son identification, n'échappe pas à l'auteur qui discrètement multiplie les clins d'œil : avec quelques adverbes comme elle a naturellement beaucoup d'argent (alors que naturellement Suzanne n'en a pas) ou le canal qu'il faut ou enfin la lanterne qui a évidemment, d'éclairer ces choses-là, une certaine habitude. La romancière, cinéaste elle aussi, connaît les ficelles des scénaristes, tous les trucs des chefs opérateurs de l'époque pour embellir le visage des actrices : univers codé, faux, où tout se déroule à la façon d'un rituel, d'un cérémonial. Tout est prévu à l'avance y compris par le spectateur le plus simple, qui serait déçu justement si le film ne se déroulait pas exactement comme il l'avait pressenti. [...]
[...] Quand on est une misérable adolescente, isolée de tout, dans une lointaine colonie abandonnée par sa métropole, que reste-t-il d'autre à se mettre sous l'imagination quand, par chance, on monte à la ville ? Ainsi Marguerite Duras, romancière et cinéaste, nous entraîne dans son Barrage contre le Pacifique sur les traces de Suzanne, avide d'ailleurs et de vraie vie et ne trouvant tout cela que dans la nuit magique des salles obscures. La scène tout entière est vue par les yeux de Suzanne à laquelle s'identifie l'écrivain, puis le lecteur ; mais une distance s'opère aussi, avec une ironie mettant à nu les clichés. [...]
[...] C'est la clef qui ouvre les ténèbres : le ciel sombre de l'attente s'éclaire d'un coup De l'obscurité soudain jaillit l'amour. Après l'orage la foudre enfin, l'éclair qui éblouit, illumine la vie, métaphore du coup de foudre. Dans l'obscurité de la salle, dans la nuit magique, une lumière se lève, celle du baiser qui rappelle nécessairement l'idée de gigantesque communion de la salle et de l'écran Mieux qu'à l'église ou dans un meeting politique, une véritable démocratie égalitaire s'instaure, le temps d'un éclair, avant que la lumière ne se rallume pour nous plonger à nouveau dans notre nuit. [...]
[...] Comment les pauvres s'identifieraient-ils à des gens comme eux, laids, vieux, ou jeunes et crasseux, solitaires ? Le costume est de cour : au dépaysement par la beauté s'ajoute le dépaysement, lui aussi codifié, par le temps un temps passé, hors du temps dont on ne retient que les éléments marquants et splendides : cour carnaval perruque colonnes de marbre ; dépaysement enfin par l'espace : Venise . Quant à la femme, autre stéréotype, pas seulement du cinéma, elle est fatale : les hommes se perdent pour elle, ils tombent sur son sillage . [...]
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