Ami de Ronsard, et avec lui membre éminent de la Pléiade, du Bellay publie en 1558 les cent quatre-vingt-onze sonnets en alexandrins des Regrets, à son retour de Rome.
Il y était parti quatre ans plus tôt avec son oncle cardinal, en mission diplomatique, se réjouissant de voir, lui l'homme nourri de littérature gréco-latine, la capitale de la culture et des lettres, le trésor des humanités (...)
[...] En se trouvant des ressemblances avec le poète italien, du Bellay peut aussi envisager la même gloire. La référence littéraire n'est pas qu'un jeu ; elle permet une qualification. Dans le poème, le poète s'assimile à Ulysse et à Phinée, héros d'épisodes épiques. Ces héros vont être sauvés par des interventions extérieurs, et en choisissant ces héros-là, du Bellay témoigne de son espoir. Mais il devient lui-même héros d'une épopée, celle du voyage à Rome, avec ses détours et ses périls. [...]
[...] Le second hémistiche de ce v.8 fait donc écho, et avec la rime vice/service à celui du v.4. Enfin la lucidité du poète se manifeste dans le jugement oxymorique feinte douceur du v.10, et la conscience de son égarement : Pour rapporter mon sens au v.13. Mais ce sont surtout les répétitions qui relèvent du lyrisme et de la plainte sous forme de litanie : récurrence de la 1ère du sg, de la tournure interrogative (le sonnet est constitué de huit questions directes), et du schéma : Qui + futur simple pour + infinitif avec quelques variations : deux interrogatifs et un seul but dans le premier quatrain, deux fois le schéma complet dans le second, sans mention du but dans le premier tercet. [...]
[...] Le poète semble en être incapable : choisira pour moi, me gardera de tomber, me fera passer etc. Le poème suggère que le je est comme engourdi par un ensorcellement : pour me désenchanter au v.6, qui le prive de ses capacités réactives : les pronoms sont toujours objet (sauf v.14). La seule action envisagée mange[r] mes viandes renvoie à un désir minimal, très simple, qui semble pourtant impossible ; et elle sera encore le fruit d'une intervention qui fera que ? [...]
[...] Le secours de la culture dans la détresse La litanie des questions et des appels à l'aide est aussi un vertige de la référence littéraire : la culture de du Bellay apparaît à plein ici, comme si la culture était convoquée comme l'antidote au mal qui menace le poète. Face à la déception devant la capitale de l'humanisme, le poète se rappelle précisément la richesse de la culture humaniste. En transposant, du Bellay transmute aussi une réalité décevante, pour lui substituer l'épopée et les splendeurs des poèmes mythologiques. [...]
[...] On remarque que ces pièges, comme ces adjuvants, sont évoqués au moyen de la littérature : l'Odyssée est évidemment présente avec Ulysse et Circe dès les premiers vers. Les références sont nombreuses et le poète, en les multipliant, explicites comme implicites, témoigne ici de sa grande culture ; culture qui lui permet de raconter sa mésaventure personnelle en la transposant dans le monde épique et mythologique. Le sonnet d'un lettré : transposition sur le mode épique et mythologique de la mésaventure personnelle Influences et références Influences et références italiennes contemporaines : Les Noie : la structure du sonnet marotique, tout à fait régulière, est doublée de celle des Noie, les poèmes italiens à la mode basés sur la répétition du même schéma, ici celui de la question suivie du futur et du but. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture