Dans <em>Vu, lu, entendu</em>, oeuvre qui se présente comme les mémoires de Driss Chraïbi, ce dernier dit : « « Je suis Marocain. » ». Par cette citation, mise en avant par la typographie, l'auteur semble se placer en porte-parole d'un peuple, mais c'est pour aussitôt intégrer cette affirmation à son propre discours identitaire, puisqu'il enchaîne en exprimant son amour pour son pays natal : « Interrogez-moi. Le Maroc est mon rêve éveillé, mon foie, ma demeure. » La revendication d'un attachement à un sol et à une nation se fait donc par une formulation qui mêle l'impersonnel des guillemets à l'intime du « je ». Suivant ce processus Driss Chraïbi conte dans l'autobiographie fictive <em>La Civilisation, ma mère!...</em> le processus d'affirmation identitaire de sa mère, et derrière elle la perspective de celle d'un peuple. C'est aussi l'occasion de conter un amour débordant à cette mère, dans le décor de la « demeure » qu'est la maison natale, et à travers elle, au Maroc. C'est donc, considérant ces deux éléments, sa propre identité que le narrateur semble clamer. Cet attachement est ensuite immédiatement relié aux racines par la tournure impersonnelle qui sonne comme une vérité générale : « On peut renoncer à tout, sauf à l'enfance ». Pourtant, c'est l'enfance que Driss Chraïbi et le narrateur de <em>La Civilisation, ma Mère !...</em> laissent derrière eux en s'exilant vers la France, et c'est encore elle que la mère enterre avec une vieille poupée dans le roman (...)
[...] Paradoxalement, le chemin n'est pas désigné comme un retour en arrière, puisqu'il rejoint celui du temps et que le temps ne fait qu'avancer. En conséquence, les frontières de l'espace affectif semblent troubles. Comment le narrateur de La Civilisation, ma Mère ! en conquérant le passé par l'écriture, chante une identité marocaine qui s'affirme dans l'ouverture ? Le narrateur opère une quête nostalgique vers une enfance magnifiée grâce au pouvoir de l'écriture. Cela dit, une ombre menaçant l'effondrement de l'identité plane sur ce passé idyllique. [...]
[...] Il faut donc qu'elle s'ouvre à la culture moderne et occidentale, mais c'est pour faire craquer son passé et l'ouvrir à de nouveaux horizons et non l'oublier. La mère se pose en cela contre le discours du père qui affirmait, avant de subir lui-même la prise de conscience : Une ère nouvelle commence. Quel que soit l'avenir, notre passé est terminé. La symbiose semble se réaliser à la fin, alors que son rire ( ) cristallin est répercuté par le hublot ouvert sur toute l'étendue de la mer le lieu de transition entre la France et le Maroc. [...]
[...] La fusion est en effet la condition d'un renouvellement futur. La suspension de la narration à ce moment laisse entrevoir un espoir pour l'avenir. La mère évoque une postérité prenant source dans les origines lorsqu'elle fait ses adieux sur le tombeau des vieux témoins de son enfance, au nom de l'avenir qui commence. Elle s'adresse à eux en imaginant déjà leur résurrection, lorsqu'elle dit : peut-être, quand ils iront à la recherche de leurs origines, les hommes des siècles futurs vous déterreront-ils en s'écriant : Mon Dieu ! [...]
[...] La Civilisation, ma Mère ! . de Driss Chraïbi Dans Vu, lu, entendu, œuvre qui se présente comme les mémoires de Driss Chraïbi, ce dernier dit : Je suis Marocain. Par cette citation, mise en avant par la typographie, l'auteur semble se placer en porte-parole d'un peuple, mais c'est pour aussitôt intégrer cette affirmation à son propre discours identitaire, puisqu'il enchaîne en exprimant son amour pour son pays natal : Interrogez-moi. Le Maroc est mon rêve éveillé, mon foie, ma demeure. [...]
[...] Sans aucun doute Puis c'est la révélation, qui difficile à digérer par sa violence et sa brutalité : Tout se mélangeait dans sa tête ( ) Une seule porte ouverte. Par cette vanne, par torrents, tout entrait d'un seul coup et elle essayait d'endiguer ce qui était étranger à sa nature» Assimilée, la prise de conscience est douloureuse: elle nous vit. ( Elle se vit, elle existante, toute nue dans un monde nu. Et elle éclata en sanglots. Cette douleur est causée par la prise de conscience d'une fragilité de l'identité car c'est tout son passé qui est remis en question : la violence de la liberté s'étaient abattus devant et sur elle comme un déluge d'équinoxe, elle en avait peur, elle serrait les dents et ces quatre ou cinq éléments qui avaient composé sa vie pendant des années et l'enterrement des témoins de ce passé d'illusion est inévitable. [...]
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