Le premier quatrain présente un décor riant, inondé de lumière. Le second quatrain s'attache à décrire un jeune soldat qui dort dans ce val, ce qui justifie le titre. Les deux tercets insistent sur la profondeur de ce sommeil. Le sonnet se compose dans de quatre vers pour le décor, de neuf vers pour parler du soldat et de son sommeil et d'un vers pour révéler que le jeune homme est mort. Brutalement le poète crée un effet de contraste entre ce dernier vers et le reste du sonnet. Sans avoir employé le mot mort, Rimbaud fait comprendre que ce dormeur au sommeil si profond n'est autre qu'un cadavre, une victime de la guerre, sûrement la guerre de 70, entre la France et la Prusse.
Rétrospectivement, des détails qui n'ont pas manqué de surprendre le lecteur mais auxquels il ne s'était guère arrêté s'éclairent tout à coup : l'immobilité, la pâleur, le froid et surtout cette insensibilité profonde au bruit de l'eau, à l'éclat de la lumière et aux parfums. Le contraste entre les treize premiers vers du sonnet et le dernier produit un effet de chute d'autant plus brutal que la fusion entre la nature et le jeune homme paraît totale. Le poète crée ainsi non seulement un effet de surprise mais un choc, en suscitant l'émotion et l'indignation devant l'horreur de la guerre et l'injustice qui fauche prématurément une jeune vie. (...)
[...] Le lexique du sommeil est encore présent avec il est étendu son lit vert il fait un comme L'enjambement au vers treize puis le rejet de Tranquille vont dans le même sens. Cependant, la profondeur de ce sommeil apparaît comme paradoxale. Le poète utilise des mots contradictoires : chaudement : il a froid et le contraste est renforcé par le raccourci saisissant de la parataxe (la suppression d'un connecteur logique, remplacé par : Etonnant est ce froid qui semble saisir le dormeur alors qu'il dort dans le soleil Le jeune homme n'est troublé ni par la lumière, ni par le chant de la rivière, ni par les odeurs. [...]
[...] Rien ne laisse présager qu'un drame ait pu se dérouler dans un cadre aussi idyllique et que la mort puisse y être présente. La nature continuera à être évoquée dans le reste du sonnet, associée cette fois-ci au corps du dormeur, qui se trouve en parfaite harmonie fusionnelle avec elle. C Harmonie entre l'homme et la nature C'est dans le deuxième quatrain que le champ de la vision, déjà rétréci au vers quatre se réduit encore pour se concentrer et porter toute l'attention sur le soldat qui semble profondément endormi. [...]
[...] Conclusion : En utilisant le cadre étroit du sonner auquel il donne une facture originale et en usant d'une grand économie de moyens, Rimbaud a su dénoncer la folie meurtrière des hommes, tout en s'inspirant du mythe grec selon lequel le sommeil est le frère de la mort. [...]
[...] Les correspondances entre le corps et le décor sont accentuées par des effets de syllabes répétées nue et nuque et par des allitérations liquides (vers huit pâle dans son lit vert où la lumière pleut La douceur du tableau est rendue par les rythmes lents : les vers six et huit s'écoulent sans coupe; le vers cinq par la profusion des muets aux coupes aux coupes un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue a un rythme comme suspendu. L'invocation du poète à la Nature, l'emploi qu'il fait de l'impératif marquent son intervention dans le texte : Nature, berce-le chaudement Par cet effet, Rimbaud, qui avait placé le lecteur en position de spectateur par le texte essentiellement descriptif, provoque un effet déstabilisateur. Il s'agit d'une prière à la Nature personnifiée, Mère des hommes, qui berce, sécurise et protège. Mais pourquoi cette prière ? [...]
[...] Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue, Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu, Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue, Pâle dans son lit vert où la lumière pleut. Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme Sourirait un enfant malade, il fait un somme : Nature, berce-le chaudement : il a froid. Les parfums ne font pas frissonner sa narine ; Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine, Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit Introduction Ce poème appartient au recueil Poésie d'Arthur Rimbaud. [...]
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