Ce chapitre est dominé par la tirade de Sganarelle (lignes 39 à 64), essentielle à plusieurs titres : elle présente l'intrigue au spectateur / lecteur, met en place la question religieuse, brosse un portrait du héros éponyme et permet de découvrir le personnage du valet ainsi que les rapports qu'il entretient avec son maître (...)
[...] En 1665, alors que l'affaire du Tartuffe bat son plein, pièce qui, bien qu'ayant plu au Roi, fut aussitôt interdite sous la pression de la dévote Compagnie du Saint-Sacrement qui accusait l'auteur d'impiété et lui reprochait de donner une mauvaise image de la dévotion et des croyants, Molière contre-attaque en écrivant une autre pièce, Dom Juan ou le Festin de pierre, afin de nourrir sa troupe et de dénoncer explicitement la cabale des dévots. C'est une pièce qui ne ressemble en rien aux autres comédies, dont le héros est un maniaque ridicule. Représentant une phase importante de la lutte de Molière contre les dévots de la Compagnie du Saint- Sacrement, Dom Juan illustre un mythe occidental moderne (c'est une réflexion sur le libertinage et ses excès) qui dit le désir profond de liberté de l'individu, borné par des contraintes multiples nécessaires à la vie en société. [...]
[...] Le portrait de Dom Juan par son valet Un homme impie Sganarelle fait un portrait peu flatteur de son maître. Ainsi, la tirade met en valeur l'idée que Dom Juan est un impie par : - le champ lexical de l'impiété (un diable, un Turc, un hérétique, qui ne croit ni Ciel, [ni saint, ni Dieu], lignes 44-45) - une énumération qui renforce le thème de l'impiété (bête brute, en pourceau d'Épicure, en vrai Sardanapale, qui ferme l'oreille à toutes les remontrances [chrétiennes] qu'on lui peut faire, et traite de billevesées tout ce que nous croyons, lignes 46 à 48) - une expression hyperbolique qui témoigne que Dom Juan est un libertin qui ne croit en rien de supérieur à lui (Dom Juan, mon maître, le plus grand scélérat que la terre ait jamais porté, lignes 43-44). [...]
[...] Ainsi, cette tirade de Sganarelle compose la fin de la scène d'exposition et nous révèle quatre points importants : - la dissimulation des valets - la peur qu'éprouve le valet pour Dom Juan - Sganarelle sera toujours en infériorité face à Dom Juan - un valet qui sera toujours docile face à son maître. Dom Juan nous est décrit en tant que libertin d'exception grâce à un valet crédule et veule, mais fasciné par son maître. Par ailleurs, le valet se révèle lui-même en parlant de son maître. [...]
[...] - Sa veulerie Cependant, son courage n'est que verbal et n'existe qu'en l'absence de son maître, puisque Sganarelle va révéler la contradiction qui le caractérise : il est dévoué à son maître parce qu'il a peur de lui (la crainte en moi fait l'office du zèle, bride mes sentiments, et me réduit d'applaudir bien souvent à ce que mon âme déteste, lignes 60-61). Son admiration pour son maître Sganarelle est passionné par Dom Juan, il l'admire. La longueur de la tirade le prouve (25 vers) avec plusieurs énumérations qui soulignent la bonne connaissance de son maître. [...]
[...] T E X T E Acte premier Scène première. SGANARELLE, GUSMAN. [ ] SGANARELLE. Je n'ai pas grande peine à le comprendre, moi ; et si tu connaissais le pèlerin tu trouverais la chose assez facile pour lui. Je ne dis pas qu'il ait changé de sentiments pour Done Elvire, je n'en ai point de certitude encore : tu sais que, par son ordre, je partis avant lui, et depuis son arrivée il ne m'a point entretenu ; mais, par précaution, je t'apprends, inter nos que tu vois en Dom Juan, mon maître, le plus grand scélérat que la terre ait jamais porté, un enragé, un chien, un diable, un Turc, un hérétique, qui ne croit ni Ciel, [ni saint, ni Dieu] ni loup- garou, qui passe cette vie en véritable bête brute, en pourceau d'Épicure en vrai Sardanapale qui ferme l'oreille à toutes les remontrances [chrétiennes] qu'on lui peut faire, et traite de billevesées tout ce que nous croyons. [...]
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