Dans la pièce Dom Juan, le personnage éponyme ne cesse de multiplier les péchés et les offenses au Ciel et d'aller toujours plus loin dans son arrogance et des mépris des lois : il séduit et abandonne les femmes, il se pose en tentateur diabolique dans la fameuse scène du Pauvre, et enfin il atteint l'apogée de sa noirceur lorsqu'il prétend se poser en faux dévot.
Dom Juan est sans cesse menacé de châtiment, dès l'acte I (Dona Elvire lui lance : « Et le même Ciel dont tu te joues me saura venger de ta perfidie ! »). La pression augmente au fur et à mesure de l'action : la statue du Commandeur fait un signe impressionnant, son déplacement est déjà spectaculaire. Le châtiment même ne vient qu'à la toute fin de la pièce, mais de manière tout à fait spectaculaire.
[...] Au contraire, le libertin ne vit que dans le temps présent. La présence du Temps rappelle à Don Juan qu'il faut penser à l'autre vie, la Vie éternelle. La statue est également une apparition extraordinaire et terrifiante. C'est encore une machine qui devait beaucoup impressionner les spectateurs à l'époque. N'oublions pas que la statue est celle du Commandeur, que Dom Juan est allé défier dans son tombeau, elle représente le mort non seulement tué par Don Juan, mais aussi bafoué. [...]
[...] donne un tout autre sens à cette tirade, et une tout autre tonalité à la fin de la scène et de la pièce. Après l'effroi tragique causé par la mort de Don Juan, cette exclamation égoïste, caractéristique d'un valet cupide et immoral crée un contrepoint comique. On comprend pourquoi cette réplique a été censurée : finir la scène sur la mort de Don Juan, c'est donner une leçon de morale claire et sans équivoque. Finir par des paroles qui montrent l'ambiguïté du personnage de Sganarelle, certes chrétien dans les formes, mais égoïste et immoral, est autrement plus complexe. [...]
[...] Si on l'étudie telle qu'elle a été censurée, avec l'omission de la mention Mes gages, mes gages ! au début et à la fin de la tirade, elle s'inscrit tout à fait dans la tonalité générale pathétique et tragique de la scène. En effet, l'énumération prend la forme d'une lamentation, et la dernière parole il n'y a que moi seul de malheureux est bien pathétique : Sganarelle semble tout à fait pris de compassion. Cette fidélité et son attachement pour son maître mort peuvent toucher le spectateur. [...]
[...] La voilà. Montrent qu'il n'a pas peur et qu'il n'hésite pas. Le fait de venir manger avec la statue est encore une attitude de défi qui ne respecte pas les valeurs chrétiennes : -n'oublions pas que la statue est celle du commandeur qu'il a offensé, il ne respecte pas son ennemi mort ne respecte pas la frontière vie/mort –l'idée du dîner rappelle le schéma de vie du libertin qui ne pense qu'à son plaisir au lieu de penser au Ciel. [...]
[...] Pour un personnage d'une noirceur aussi exceptionnelle, le châtiment se doit d'être exceptionnel. En quoi ce dénouement est-il spectaculaire ? Le châtiment du libertin 1. De la miséricorde possible (les apparitions + le rôle de Sganarelle) Malgré tout ce qu'il a fait, les avertissements qu'il a déjà reçus, Don Juan peut encore se sauver. C'est le principe de la Toute-Puissance divine : Dieu jusqu'au bout est Amour et peut pardonner. Ce n'est que lorsqu'on refuse totalement qu'on est puni (la punition apparaît d'autant plus méritée). [...]
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