Dom Juan, Molière, autoportrait, Sganarelle, noblesse, oisiveté, séduction, éloge de l'inconstance
Entrée en scène de Dom Juan. Si le tableau qu'a brossé Sganarelle est celui d'un sombre démon, Méphistophélès, on voit avec cet autoportrait de Dom Juan apparaître l'ange de la lumière, Lucifer… Car le Dom Juan qu'on découvre n'est point si laid, ni sot, ni brutal, que ne le laissait présager l'exposition. La peinture du « Grand seigneur méchant homme » est affinée.
C'est un personnage séduisant, par sa maîtrise du langage et l'adresse d'esprit qu'elle souligne, par son caractère passionné et entier, sa recherche d'absolu et son rejet des dogmes et codes moraux de l'époque.
Molière, avec ce personnage, met en scène la crise que connaît la noblesse de son temps : l'oisiveté, la perte des repères spirituels, l'attachement à des valeurs féodales, et la place prépondérante qu'ont les rapports de séduction entre hommes et femmes dans les salons.
[...] Est-ce qu'il ne subit pas donc, plutôt que de la rechercher, son instabilité ? [...]
[...] a L'éloge paradoxal : Comme une réponse à l'éloge du tabac fait précédemment par Sganarelle, Dom Juan démontre ses qualités d'orateur en faisant un éloge paradoxal de l'inconstance qui amène l'exercice à son plus haut degré de perfection. Il utilise ainsi les procédés oratoires habituels (questions oratoires, maximes avec présent de vérités générales) 1 Il réfute la thèse évoquée par Sganarelle qui veut que la fidélité soit la juste norme de la relation amoureuse, en en démontrant l'aspect mesquin : qu'on renonce au monde pour lui 59) 2 Il soutient sa thèse de l'inconstance, en y associant l'idée de justice toutes les belles ont droit de nous charmer 3 Il impressionne les esprits en comparant avec emphase, dans une métaphore filée, la séduction et la conquête militaire. [...]
[...] c Passionné : Dom Juan est un hédoniste, qui recherche la satisfaction de ses désirs et qui poursuit la recherche du plaisir. Mais cela va plus loin : Dom Juan n'en a jamais assez et n'est jamais véritablement satisfait (en avoir assez). La ponctuation, l'emphase, les envolées lyriques, le recours à l'hyperbole, traduisent son caractère entier et exalté. Les allitérations en q p t d (dures) du début et à la fin de la tirade marquent son exaltation et son mépris de la fidélité. [...]
[...] a Epris de liberté : Dom Juan associe la fidélité à une mort volontaire, prématurée. Champ lexical du renoncement, de l'immobilité, de la mort : demeurer renonce s'ensevelir être mort dès sa jeunesse endormons dans la tranquillité tout le beau de la passion est fini La fidélité, c'est l'engourdissement des sens, l'enfermement, le sommeil des sens, la mort du désir. Dom Juan n'admet aucune entrave à sa liberté j'ai sur ce sujet l'ambition des Conquérants ( ) qui ne peuvent se résoudre à borner leurs souhaits Refus des limites et de la stabilité. [...]
[...] Le rapport charnel est décevant, limité et anéantissant. Image de la petite mort qui rappelle ce que rejette Dom Juan : la mort. Je souhaiterais qu'il y ait d'autres mondes pour y pouvoir étendre mes conquêtes amoureuses : le vœu de Dom juan est stérile, et rend compte de sa quête irréalisable d'absolu. c Image d'une noblesse déchue : Dom Juan appartient à la noblesse d'épée : celle-ci ne peut plus s'enorgueillir de victoires militaires, car l'autorité royale a assujetti les petits seigneurs et offert une paix relative au pays, dénuant la noblesse de son utilité sociale. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture