Directeur de troupe, auteur, metteur en scène et comédien, Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière commence à connaître un grand succès avec "Les Précieuses ridicules " en 1659 et "L'École des Femmes ", en 1662 ; même s'il doit se confronter au clan dévot, mené par de grands personnages de la cour et par Marie de Médicis, qui l'accuse d'inconvenance à l'égard du mariage et donc de la religion. Molière écrit alors "Dom Juan " en 1664, qui va faire l'objet d'une virulente attaque des dévots.
Dom Juan est un homme qui défie les hommes et Dieu. Il transgresse les valeurs du mariage, en épousant Elvire d'abord, puis en séduisant Charlotte, paysanne promise à Pierrot. Sa confrontation avec ce dernier à la scène 3 de l'acte II nous laisse entrevoir l'impuissance de Pierrot face au grand séducteur Dom Juan.
Nous pouvons nous demander dans quelle mesure cette scène allie des éléments comiques tout en y mettant du pathétique en raison des oppositions sociales des personnages, du rapport dominant/dominé.
[...] Ces deux personnages antithétiques rendent cette scène comique. II) Une scène pathétique La loi du plus fort A travers chacun des mouvements survient le registre pathétique voire tragique sous l'aspect essentiellement comique de cette scène. Le pathétique est ce qui suscite une profonde émotion. Cette scène est mouvementée entre les deux rivaux. Le texte s'amorce avec l'arrivée impromptue de Pierrot qui s'immisce entre Charlotte et Don Juan, ce dernier étant visiblement en train de courtiser sa nouvelle victime. Embarrassé par cet impertinent ce n'est pas un malaise d'être surpris dans une conduite peu propre à son rang social mais il semble plus être animé du désir de se débarrasser de lui afin de séduire sa promise. [...]
[...] Il l'est d'autant plus face au personnage de Dom Juan qui le ridiculise. Pierrot parle en Patois, effet comique qui atténue la violence et souligne la différence sociale : " Quement ? " , " Allez-v'-s-en caresser les vôtres Les jurons tels que "Jerniquenne!", "Testiguenne!", "Ventrequé!","Palsanqué""Morquenne!" donnent un dynamisme cocasse. Tandis que Dom Juan se moque de Pierrot car il ne prend même pas la peine de lui répondre. Il utilise essentiellement des interjections qui tendent à l'humilier : , "Houais" . [...]
[...] Dom Juan refuse de se mettre sur un même pied d'égalité que Pierrot, censé être son sauveur. Cette scène est pathétique car Pierrot est impuissant devant la supériorité autant intellectuelle que sociale de Dom Juan Un homme rabaissé même par sa promise Charlotte est l'enjeu du conflit. Elle ridiculise pourtant Pierrot à sa façon. En le ‘'prenant par le bras'', elle l'assimile aux vieillards impuissants, impotents. Elle l'exhorte :'' Et laisse-le faire aussi, Piarrot'' et avoue ici son ingratitude en faveur de Dom Juan. [...]
[...] Seul contre tous, Pierrot est en position d'infériorité dans cette scène. Cette querelle de ménage le laisse apparaitre aux yeux de Dom Juan encore plus ridicule. Conclusion Cette scène aux allures comiques qui allie comique de mots, de gestes, de situations, joue un rôle majeur dans cette pièce car, alors que le spectateur commençait à s'attacher à Dom Juan, "pourceau d'Epicure", intelligent, courageux et inflexible, Molière veut rappeler que ce héros n'est pas comme les autres. Il est aussi un être cruel et égoïste qui détruit invariablement tout ce qu'il approche. [...]
[...] Pierrot affronte son adversaire sans se battre physiquement alors que Dom Juan repousse brutalement Pierrot et il l'annihile, ne faisant nullement cas de ses propos. Dom Juan utilise des interjections comme Ah ! qui peuvent exprimer son mépris ou son contentement. Pierrot tente d'exprimer l'objet de sa colère quant aux hommes qui viennent ‘'caresser nos femmes à note barbe'' ; il se place sur le terrain de la légitimité sociale et non en amoureux. Cette synecdote tend à essayer de donner un semblant de virilité au personnage Pierrot, la barbe ayant un symbole de puissance. [...]
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