Molière est un dramaturge, directeur de troupe, metteur en scène et comédien français du XVIIe siècle qui s'est illustré au début du règne de Louis XIV. Il écrit des pièces aux règles classiques telles que l'École des Femmes et des pièces baroques qui s'en émancipent comme Dom Juan dont nous étudions ici un extrait de la scène 2 de l'acte II. Rappelons qu'en 1664, la pièce précédente, Tartuffe, est censurée et que pour nourrir sa troupe, Molière écrit en l'espace de deux mois Dom Juan (1665) qui, malgré le succès qu'il rencontre, n'est jouée que quinze fois à cause de l'impiété du héros. En effet, on y voit évoluer un personnage infidèle, séducteur, libertin et blasphémateur. Jeune noble vivant en Sicile, accompagné de son fidèle valet Sganarelle, Dom Juan accumule les liaisons amoureuses, séduisant les jeunes filles nobles et les servantes avec le même succès. Seule la conquête l'intéresse et les jeunes femmes, aussitôt séduites, sont abandonnées, même après un mariage.
[...] Il n'a aucun sens moral, car il est prêt à faire capoter le projet de mariage de Charlotte et de Pierrot qui vient pourtant de le sauver de la noyade. Dénué de scrupule, déloyal, et ingrat, il enfreint le code de la noblesse fondé sur la reconnaissance et la loyauté. Il ment avec un sang- froid glacial tout en sachant que si Charlotte lui cède, il l'abandonnera ensuite et l'exposera au déshonneur public au point qu'elle n'est pas sûre de pouvoir se marier. [...]
[...] Il prétend devoir la sauver et pour mettre en valeur sa mission divine, se présente comme un redresseur de torts : il parle de mérite de justice (617) à Charlotte qu'il assure ne pas être née pour demeurer dans un village (613/614). Il prend plaisir à blasphémer, car le mensonge ne lui coûte rien et qu'il ne craint pas la punition divine. Lorsqu'elle craint qu'il ne l'abuse, il joue l'offusqué en employant une question rhétorique où le retrait du pronom personnel complément moi en début de phrase est destiné à souligner son incapacité à se livrer à la moquerie moi, me railler de vous ? [...]
[...] Au départ consciente de sa mise lorsqu'elle parle de ses mains auxquelles elle ne trouve nul comparant Fi ! Monsieur, elles sont noires comme je ne sais quoi (601/602), la paysanne veut finalement plaire au noble et réagit avec coquetterie je n'aurai pas manquer de les laver avec du son (606/607), le lavage avec ce déchet de mouture de blé étant une pratique paysanne courante. Elle ne refuse pas le baiser sur sa main, ce qui nous la représente en train de céder à la puissance du discours raffiné de Dom Juan très différent des paroles de séduction de Pierrot, tournées que vers lui- même. [...]
[...] La répétition insistante de l'interjection ah ! ( 586) a pour but d'attirer l'attention sur lui et ce qu'il va dire. Il anesthésie la résistance critique de la paysanne en structurant finement son propos : au début, il aborde sa victime en lui posant des questions banales d'où quelques stichomythies aux lignes 570/579 puis il la complimente sur son physique d'où la longue tirade des lignes 580/588 ; enfin, il entre dans le vif du sujet en lui demandant si elle est mariée. [...]
[...] (567, 612) marque sa surprise de rencontrer une personne si plaisante en rase campagne. Il la met sur un pied d'égalité par un vouvoiement respectueux ( ) alors qu'il est un aristocrate et elle, une modeste paysanne. Il l'élève en la mettant sur le même piédestal qu'une riche dame. Il flatte sa vanité et son désir d'ascension sociale, il dit estimer qu'elle n'est pas à sa place comme le souligne la comparaison distinctive comme vous répétée aux lignes 568/569 et 612. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture