L'acte initial avait vu Dom Juan traiter Done Elvire avec sadisme et désinvolture, en réponse à quoi, elle était apparue blessée, furieuse et toujours amoureuse, le menaçant alors de la vengeance céleste. Cette scène de l'acte IV voit surgir une Done Elvire métamorphosée, revenue vers Dieu et transformée par la charité. Touchée par la grâce et convertie, dans une longue tirade émouvante à peine interrompue par quelques répliques de Dom Juan et Sganarelle, elle implore son ancien amant de sauver son âme (...)
[...] Son discours constitue une sorte de serment religieux, destiné à convertir Dom Juan, et où la solennité n'empêche pas l'émotion. C'est ainsi que les phrases en sont presque toutes longues et fermement construites. Elle maîtrise parfaitement son intervention et, si le sujet est sévère, le rythme est en général assez mélodieux. La syntaxe elle-même témoigne de la sérénité de l'influence divine du personnage. Cependant, cette sérénité n'empêche pas l'intervention du registre pathétique avec : - un grand nombre d'impératifs (Ne soyez point, ligne 4 ; accordez-moi, ligne 32 ; ne me refusez point, ligne 33 ; soyez-le, ligne 34 ; Sauvez-vous, ligne 40 ) - l'appel à la pitié de Dom Juan par l'évocation de ses larmes (que je vous demande avec larmes, ligne 33) - une forte ressemblance aux textes religieux. [...]
[...] Mais il n'est pas non plus d'auteur plus universel : comme Cervantès ou Chaplin, il incarne le rire dans sa puissance souveraine, qui transcende frontières et époques. Enfin, en matière de théâtre, son œuvre, avec celle de Shakespeare, constitue la référence absolue : pour tous les comédiens du monde, Molière demeure le patron La plupart des comédies de Molière reposent sur des conflits entre des parents cristallisant un défaut (avare, malade imaginaire, femmes savantes, dévot naïf) et le reste de la famille (épouse la plus souvent, enfants qui cherchent à échapper aux conséquences désastreuses de ces manies). [...]
[...] En effet, le discours de Done Elvire reprend le langage traditionnel des prédicateurs. On relève ainsi : .des formules conventionnelles (Le Ciel a banni de mon âme, ligne 9 ; pour votre bien, ligne 17 ) .les champs lexicaux de la faute, du salut de l'âme et de la foi .le vocabulaire religieux (Le Ciel, mon âme, ligne 9 ; sainte, ligne 13 dominé par les multiples occurrences fois) de Ciel. De plus, il est frappant de constater la transformation de son amour charnel pour Dom Juan en un amour mystique. [...]
[...] Encore une fois, Dom Juan, je vous le demande avec larmes ; et si ce n'est assez des larmes d'une personne que vous avez aimée, je vous en conjure par tout ce qui est le plus capable de vous toucher. SGANARELLE. Cœur de tigre ! 45 DONE ELVIRE. Je m'en vais, après ce discours, et voilà tout ce que j'avais à vous dire. DOM JUAN. Madame, il est tard, demeurez ici : on vous y logera le mieux qu'on pourra. DONE ELVIRE. [...]
[...] De grâce, Dom Juan, accordez-moi, pour dernière faveur, cette douce consolation ; ne me refusez point votre salut, que je vous demande avec larmes ; et si vous n'êtes point touché de votre intérêt, soyez-le au moins de mes prières, et m'épargnez le cruel 35 déplaisir de vous voir condamner à des supplices éternels. SGANARELLE. Pauvre femme ! DONE ELVIRE. Je vous ai aimé avec une tendresse extrême, rien au monde ne m'a été si cher que vous ; j'ai oublié mon devoir pour vous, j'ai fait toutes choses pour vous ; et toute la récompense que je vous en demande, c'est de corriger votre vie, et de prévenir 40 votre perte. [...]
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