Au XVIIe siècle en France s'est développé un courant littéraire qui s'attachait à la peinture des moeurs de la société contemporaine. La Fontaine et La Bruyère, mais également La Rochefoucauld, appartiennent aux auteurs de cette nouvelle littérature, que l'on regroupe sous l'appellation de « moralistes ». Dans une tentative d'analyse de la démarche de ces écrivains, Jean Birnbaum, dans un article du Monde daté du 1er août 2008, écrit : « "Spectateurs de la vie" selon le mot de Montaigne, les moralistes décrivent le théâtre du monde depuis son parterre ou ses loges, en déchiffrent les travers et les aveuglements, selon la loi d'une sagesse qui pense moins par concepts généraux que par scènes, caractères, et tableaux vivants ». Filant la métaphore du théâtre reprise au mot initial de Montaigne, cette citation fait implicitement référence, à travers l'expression « théâtre du monde », au topos du theatrum mondi, hérité de Sénèque, qui associe le monde à une scène de théâtre, et les êtres humains à des acteurs.
Comment l'observation des représentations à laquelle leurs contemporains se livrent trouve-t-elle son expression chez la Fontaine et La Bruyère dans une esthétique de la fragmentation polymorphique, parcourue de thèmes récurrents, mais maintenue grâce à leur vocation divertissante sur le fil ténu de la peinture sans jugement ?
[...] Vers ouverts sur l'avenir de cette humanité qu'il a passé tant de temps à peindre. La Bruyère et La Fontaine ont dépeint leurs contemporains à travers de brefs récits semblables aux scènes de théâtre, des peintures s'apparentant à des tableaux vivants, ou des confections de pantins burlesques, ou caractères Tantôt s'incluant, tantôt s'excluant, du groupe de ceux dont il relève les hypocrisies, le moraliste du XVIIème frôle parfois la moralisation, mais sa vocation divertissante le maintient dans une légèreté de ton aussi agréable que prudente, à moins qu'elle ne soit l'expression d'une humilité pessimiste face au pouvoir de son témoignage. [...]
[...] Mais l'absence de remise en question, si elle peut être stratégique dans certains cas, relève dans le livre XII du recueil des Fables d'une forme de pessimisme de La Fontaine, qui a renoncé au potentiel pouvoir de l'écriture. Le spectateur ne peut pas changer le spectacle, et il semble même qu'il ne puisse réussir à éclairer les autres spectateurs sur leur degré de similitude avec ce qu'ils observent. La vanité décrite s'étend donc jusqu'à l'objet qui la donne à voir, complétant le tableau formé d'une mise en abyme de la démarche artistique, et évitant ainsi irrévocablement l'écueil de la moralisation. [...]
[...] La distinction entre moralistes et moralisateurs dans Les Fables de La Fontaine et Les Caractères de La Bruyère Au XVIIème siècle en France s‘est développé un courant littéraire qui s‘attachait à la peinture des mœurs de la société contemporaine. La Fontaine et La Bruyère, mais également La Rochefoucauld, appartiennent aux auteurs de cette nouvelle littérature, que regroupe sous l‘appellation de moralistes Dans une tentative d‘analyse de la démarche de ces écrivains, Jean Birnbaum, dans un article du Monde daté du 1er août 2008, écrit : Spectateurs de la vie selon le mot de Montaigne, les moralistes décrivent le théâtre du monde depuis son parterre ou ses loges, en déchiffrent les travers et les aveuglements, selon la loi d'une sagesse qui pense moins par concepts généraux que par scènes, caractères, et tableaux vivants Filant la métaphore du théâtre reprise au mot initial de Montaigne, cette citation fait implicitement référence, à travers l'expression théâtre du monde au topos du theatrum mondi, hérité de Sénèque, qui associe le monde à une scène de théâtre, et les êtres humains à des acteurs. [...]
[...] Les moralistes pointent l'hypocrisie de la société française du XVIIème siècle, engendrée par les dérives de l'idéal de l'honnête homme. Dans le dictionnaire de Furetière, on trouve deux définitions à honnête : d'une part, ce qui mérite de l'estime, de la louange, à cause qu'il est raisonnable selon les bonnes mœurs d'autre part, se dit aussi de ce qui n'en a que la mine, l'apparence, l'habit Ce glissement vers un monde d'apparences vide les hommes de leur intériorité ; par conséquent, la description accumulative des tableaux et caractères, choisie par La Bruyère, est en écho avec la vanité des êtres qu'il dépeint, à l‘image de la vanité du monde dénoncée par le topos du theatrum mondi. [...]
[...] Jean Lafond, dans Moralistes du XVIIème, écrit : Le rapport du moraliste à son public lui interdit en fait de donner dans le moralisme Cependant, La Fontaine s'exclut à plusieurs reprises de ses morales, utilisant la troisième personne du pluriel. A la fin de Le Lion, le Loup et le Renard on trouve par exemple : les Daubeurs ont leur tour d'une ou d'une autre manière et même quelques vers plus haut une adresse directe : Messieurs les courtisans C'est en effet du cercle des courtisans dont La Fontaine s'exclut. [...]
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