Après leur victoire sur les Troyens, Ulysse et ses compagnons ne rêvent que de rentrer dans leur bien-aimée Ithaque, car « il n'est rien pour l'homme de plus doux que sa patrie ou ses parents (...) » (chant IX, v 34-35), après déjà dix ans d'absence. Mais le voyage du retour est semé d'embûches et Ulysse mettra encore dix longues années de plus à rentrer auprès des siens, seul. Les épreuves se multiplient pour le héros et Ulysse souffre intensément, autant physiquement que moralement. Mais pourquoi tant d'épreuves à affronter pour le héros ? Quelles sont les fonctions de ces épreuves si nombreuses au sein du récit, et dans la construction du personnage ?
[...] Après avoir vécu loin de son pays pendant dix ans à combattre les Troyens, il désire retrouver Ithaque plus que tout au monde. Mais plus il croit pouvoir retrouver son pays, plus il en s'éloigne, fatalement. Ulysse souffre d'un mal du pays, de la nostalgie de sa demeure et des siens ; cette douleur morale, il la ressent encore plus alors qu'il est prisonnier chez Calypso, qui l'aime pourtant. En effet, Athéna apprend aux dieux (chant V, v 13) qu'il souffre de « cruels tourments » : le vaillant héros a un « coeur brisé de larmes, de soupirs et de tristesse » (v 83). Si Calypso obéit aux dieux qui lui demandent de relâcher son amant, la nymphe ne tente tout de même pas moins de le retenir en lui offrant l'immortalité.
[...] D) Les épreuves d'un voyage initiatique
Enfin, il faut noter que les épreuves physiques et morales d'Ulysse s'inscrivent dans et construisent son voyage, qui devient de ce fait un voyage initiatique. Chaque épreuve est un rite de passage et la symbolique d'une peur à affronter. Ainsi Calypso et Circé sont les symboles de la peur de l'autre, de la féminité charmeuse et trompeuse qui peut perdre un homme. L'épisode des Lotophages et de « leur fruit doux comme du miel » (v 94) symbolise la peur persistante d'Ulysse de l'oublie de soi (...)
[...] Après le long siège de la cité troyenne, ses hommes et lui ne semblent pas avoir le droit au repos : leur bateau est pris dans une terrible tempête, et ils échappent de près à la mort Là, deux jours et deux nuits, sans discontinuer, nous restâmes couchés, rongés d'angoisse et de fatigue V 74-75). Après d'autres étapes difficiles, notamment chez les Lotophages et les Cyclopes, ils débarquent sur l'île des Lestrygons. Persuadé d'être chez une population civilisée, Ulysse se méfie peu et envoie des compagnons s'informer. Or, les Lestrygons sont loin d'être des mangeurs de pain et les attaquent pour les dévorer ! C'est une véritable panique chez ces hommes déjà éreintés quand les géants cannibales les attaquent. [...]
[...] CONCLUSION Il apparaît donc que toutes les épreuves physiques et morales qu'affronte Ulysse convergent à faire de lui un homme nouveau, fort de ses souffrances et de ses expériences qui l'aideront dans son ultime épreuve avant le mérite et le repos : combattre les prétendants et leur reprendre sa bien- aimée Ithaque. Car, avant de goûter à la joie de vivre paisiblement auprès de Pénélope, Ulysse se doit de combattre ceux qui ont voulu l'oublier, lui qui a tant lutté pour garder son identité. [...]
[...] Autre peur omniprésente, celle de la dévoration et du monstrueux : Charybde et Scylla, mais surtout Polyphème le Cyclope illustrent cette angoisse d'être mangé. Une peur qui rejoint celle de l'étranger et de l'inconnu, inconnu qui envahit peu à peu Ulysse, toujours plus violemment. Ainsi, les Lestrygons mangeurs d'hommes attaquent non seulement violemment physiquement Ulysse mais bouleversent également sa réalité, qui ne sera plus jamais la même. En effet, ces épreuves sont autant de nouvelles étapes dans son voyage initiatique vers sa nouvelle vie. [...]
[...] Les épreuves de ce voyage de retour étaient déjà particulièrement difficiles à vivre, mais comment survivre à cette incroyable solitude dans un monde inconnu ? Cette solitude croissante accentue encore les nombreuses et constantes remises en question du héros depuis son départ de Troie, de plsu en plus confronté à ses peurs et menacé par la perte de son identité. Identité qu'il reconquiert chez les Phéaciens en déclarant Je suis Ulysse, fils de Laërte, dont les ruses sont fameuses partout, et dont la gloire touche au ciel. [...]
[...] C'est une nouvelle épreuve morale pour Ulysse, qui doit résister à la tentation absolue. Mais peine perdue pour la nymphe Calypso, car à la royale nymphe 215), Ulysse préfère la très sage Pénélope 216), sa douce épouse. Plus tard, chez Circé (chant Ulysse manque encore de peu de se retrouver sous l'emprise d'une femme et d'oublier son identité, son humanité (la magicienne a voulu le transformer en porc). Mais grâce au dieu Hermès et à sa ruse, il parvient à la vaincre. [...]
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