Le grand retentissement que connut le <em>Discours de la servitude volontaire</em> s'explique par le talent précoce de son auteur, qui l'écrivit à dix-huit ans, par l'admiration de Montaigne, et par la critique de la tyrannie qu'il propose. Publié en 1576, plus de dix ans après la mort prématurée de La Boétie, il avait été récupéré par les ennemis protestants du pouvoir royal, les monarchomaques, dès 1574. Le sujet assez traditionnel révèle l'humanisme d'un jeune homme nourri de culture gréco-latine, mais sa critique de la tyrannie détonne par l'hypothèse qu'il fait de la « servitude volontaire » des peuples, expression paradoxale. Après avoir montré que la liberté est dans la nature de l'homme et que celui-ci l'abandonne volontairement, assurant ainsi la pérennité de la tyrannie, La Boétie rappelle comment, par ailleurs, les tyrans de l'Antiquité ont assis leur pouvoir sur le peuple. Quel est le but de ce retour en arrière ? Nous étudierons d'abord l'exposé que fait La Boétie des moyens trouvés par les tyrans romains pour assujettir les hommes ; nous verrons ensuite qu'il procède à une condamnation vigoureuse des tyrans bien sûr, mais aussi du peuple. Nous montrerons enfin que c'est bien la pensée d'un humaniste qui se manifeste ici : l'auteur cherche à corriger son époque par sa connaissance de l'Antiquité.
I. L'exposé vivant des moyens trouvés par les tyrans romains pour assujettir le peuple
1) Un exposé vivant de l'Antiquité au sein du discours
- Le passage est une portion du discours, auquel chaque paragraphe renvoie par les temps et l'énonciation : l'impératif de la 2ème du pluriel « Ne croyez pas » au début, le passé composé « a toujours été » dans le § 2 et « Je ne vois pas aujourd'hui », présent et 1ère du singulier dans le § 3. Mais on trouve deux énoncés différents : dans celui du discours apparaît l'exposé aux temps du passé, comparable au récit historique avec passé simple (« renchérirent », l. 11, « éprouva », l.25, « fut », l.29, notamment) et imparfait (« faisaient largesse », l.14, « ne disait mot », l. 20, « On louait surtout », l.29). Les adjectifs « ancien » et « romain » (l. 6, 7, 11, 25, 31) renvoient explicitement à une période reculée et à première vue révolue (...)
[...] Mais on trouve deux énoncés différents : dans celui du discours apparaît l'exposé aux temps du passé, comparable au récit historique avec passé simple renchérirent l éprouva l.25, fut l.29, notamment) et imparfait faisaient largesse l.14, ne disait mot l On louait surtout l.29). Les adjectifs ancien et romain 31) renvoient explicitement à une période reculée et à première vue révolue. - Le texte propose dans ces passages de récit de petits tableaux concrets qui donnent de la vie à l'exposé, en saisissant des scènes sur le vif, quotidiennes et anonymes ou connues historiquement : ainsi aux lignes 13-15, le détail de l' écuelle de soupe et le discours direct Vive le roi ! [...]
[...] En effet, avec le groupe verbal s'habituaient à servir en fin de 1er La Boétie renvoie aussi à l'idée d'une servitude passant de génération en génération, et évoque ici les enfants apprenant à lire. II. La double condamnation vigoureuse des tyrans et du peuple Les armes de la critique : - Le registre ironique est employé comme arme efficace de la dépréciation : l'épithète magnifique l.19, liée à empereurs et qui termine le très long complément du participe contraint fait certes entendre le sens de dispendieux, mais déjà le sens très positif moderne, laquelle acception est surprenante après la mention de la cruauté notamment. [...]
[...] Néron fit tuer sa mère et son demi-frère, fut longtemps tenu pour responsable de l'incendie de Rome, et aurait utilisé les chrétiens comme torches vives éclairant ses jardins, ou chair fraîche pour les bêtes lors des Jeux. L'adjectif a deux sens : qui fait de grandes dépenses (sens perdu aujourd'hui), et le sens moderne ici ironique. Historien latin [55 120], auteur des Histoires et des Annales, ouvrages consacrés aux empereurs de Rome. César [-100 gagna sa popularité notamment en distribuant au peuple blé et argent ; il se fit nommer dictateur à vie et concentra tous les pouvoirs, avant d'être assassiné par les défenseurs de la République. [...]
[...] l'homme est assujetti à ses appétits, ce que montre toute la suite : le texte revient souvent sur les festins et banquets (blé, vin, sesterce), le plaisir de la bouche : les jeux et festins de Néron, l les banquets et prodigalités César, l La longue énumération a son poids dans l'argumentation, et à la fin du texte le parallélisme de construction à la bouche le goût et à l'esprit la mémoire laisse entendre que le peuple est complètement sous l'emprise de la tyrannie. - L'idée de servitude est fortement soulignée dans le 1er (deux occurrences et celle du verbe servir + liberté ravie et sous le joug l.6-8) et réapparaît à la l.31 : le texte commence et s'achève sur cette notion capitale, qui renvoie au titre du Discours. [...]
[...] Le point commun aux trois hommes est d'avoir offert au peuple des jeux, de la nourriture et de l'argent (César en a distribué beaucoup pour gagner en popularité face à Pompée), pour mieux exercer sur lui la tyrannie. - Le texte met d'ailleurs en avant la tactique, la stratégie des trois tyrans. Il y a tout un champ lexical du moyen, du procédé, désigné comme tel, au début du texte : drogues qui vient résumer une longue énumération puis à la l.6 appâts outils et le rythme ternaire moyen (repris l.11), pratique allèchements Le texte s'ouvre aussi directement sur deux exemples de chasse et de pêche, avec l'idée de leurre : la pipée pour les oiseaux et l'hameçon caché dans la friandise du ver pour les poissons. [...]
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