- Série de contrastes : le savoir, la connaissance des événements à venir d'un côté (la supérieure et les trois soeurs) et l'ignorance de l'autre (la jeune Suzanne). Ce point est notamment visible avec l'utilisation du verbe "croire" ("je crus" ligne 22-29-73), la présence des interrogations posées par la narratrice (ligne 16 et ligne 26). On retrouve ce contraste après l'évanouissement de la jeune femme : "vous savez ce que vous avez à faire" (ligne 72) aussitôt suivi du verbe précédemment relevé soulignant l'ignorance de Suzanne : "je crus que ces cordes" (ligne 73).
[...]
- Elle tient tout d'abord dans la mise en scène de l'épisode. En effet, elle permet à la panique et à la peur d'étreindre la narratrice. Les nombreux impératifs qui ponctuent les interventions de la supérieure tendent également à rappeler à Suzanne son statut de victime et sa soumission in facto au groupe de religieuses : "levez-vous", "Mettez-vous", "demandez-lui", "parlez-lui".
- L'ignorance des motivations de la supérieure dans laquelle on maintient la jeune femme participe de cette cruauté et torture psychologiques. Le verbe à l'impératif "achevez" lancé aux autres religieuses et la présence des cordes sont autant d'éléments qu'elle interprète comme l'annonce de
- sa mort à venir. "Achevez" pouvant en effet être compris comme un appel au meurtre et les cordes l'outil, l'arme du crime.
- Les propos maintiennent volontairement l'ambiguïté. Cet impératif n'étant pas le seul à laisser le doute et naître et planer. Ainsi lorsque la supérieure s'adresse à Suzanne en lui sommant de "parle[r] [à Dieu] comme si[elle] ét[ait] au moment de comparaître", il est évident qu'elle ne pouvait entendre ces mots sans songer à une mort prochaine.
- La torture psychologique repose donc essentiellement sur la suggestion d'un trépas à venir ; suggestion à la fois verbale et instrumental (...)
[...] L'adjectif fatale semble confirmer ce point : ses trois fatales compagnes (lignes 18-19). Faire naître horreur et pitié - La scène relatée vise à faire naître un sentiment d'horreur chez le lecteur ; qu'il s'agisse du lecteur fictif le marquis de - ou celui qui est bien réel. - En plus de ce récit fort détaillé de cette mise en scène orchestrée par la supérieure, la narratrice rappelle et insiste sur la peur éprouvée : terreur sueur froide tremblais effroi frayeur - Corollairement, la pitié succède au sentiment d'horreur éprouvé dans un premier temps. [...]
[...] On retrouve ce contraste après l'évanouissement de la jeune femme : vous savez ce que vous avez à faire (ligne 72) aussitôt suivi du verbe précédemment relevé soulignant l'ignorance de Suzanne : je crus que ces cordes (ligne 73). - Autre contraste permettant cette mise en scène de l'horreur : le décalage numérique. Quatre femmes d'un côté, une seule de l'autre. Impression d'une curée qui va se faire. - Symboliquement enfin, les trois femmes qui encadrent la supérieure sont peintes comme de nouvelles Parques. [...]
[...] J'étais couchée sur le côté, étendue dans cette eau, la tête appuyée contre le mur, la bouche entr'ouverte et les yeux à demi morts et fermés; je cherchai à les ouvrir et à regarder; mais il me sembla que j'étais enveloppée d'un air épais, à travers lequel je n'entrevoyais que des vêtements flottants, auxquels je cherchais à m'attacher sans le pouvoir. Je faisais effort du bras sur lequel je n'étais pas soutenue; je voulais le lever, mais je le trouvais trop pesant; mon extrême faiblesse diminua peu à peu; je me soulevai; je m'appuyais le dos contre le mur; j'avais les deux mains dans l'eau, la tête penchée sur la poitrine; et je poussais une plainte inarticulée, entrecoupée et pénible. Ces femmes me regardaient d'un air qui marquait la nécessité, l'inflexibilité et qui m'ôtait le courage de les implorer. [...]
[...] Elle ajouta: «Puisqu'elle ne veut pas se recommander à Dieu, tant pis pour elle; vous savez ce que vous avez à faire; achevez.» Je crus que ces cordes qu'on avait apportées étaient destinées à m'étrangler; je les regardai, mes yeux se remplirent de larmes. Je demandai le crucifix à baiser, on me le refusa. Je demandai les cordes à baiser, on me les présenta. Je me penchai, je pris le scapulaire de la supérieure, et je le baisai; je dis: «Mon Dieu, ayez pitié de moi! Mon Dieu, ayez pitié de moi! Chères sœurs, tâchez de ne pas me faire souffrir.» Et je présentai mon cou. [...]
[...] - L'ironie est particulièrement mordante à la fin de l'extrait proposé : je sentis la supériorité de la religion chrétienne sur toutes les religions du monde On relèvera le petit clin d'œil empli de sarcasme lors de l'évocation de l'aveugle philosophie Bien évidemment, il faut prendre aveugle dans son sens oxymoronique puisqu'il s'agit des philosophes des Lumières. Cet extrait illustre à merveille cette folie de la croix qui est peinte et dénoncée. - Rien ne correspond aux préceptes de la religion chrétienne. Il n'y a ni amour ni pitié ni commisération. [...]
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