Boccace commence la huitième nouvelle de la cinquième journée de son Décaméron ainsi : « Aimables dames, autant la pitié qui nous vient est toute à notre éloge, autant la cruauté qui nous habite est châtiée avec rigueur par la justice divine ; afin de vous prouver cela et de vous donner sujet de chasser de vous toute cruauté, il me plaît de vous dire une nouvelle non moins digne de compassion que délectable. » Ainsi, il place d'emblée cette nouvelle sous le signe de la cruauté.
[...] Zeus la changea alors, à titre de punition, en rocher. Ce mythe ovidien apparaît essentiel ici, puisque Niobé incarne métaphoriquement la jeune fille de la nouvelle : elle est comme une roche, parfaitement insensible, indifférente et dédaigneuse à l'égard des attentions que lui porte Nastase. En effet, il est dit dans le texte : Or ces soins, quelques grandioses, quelques somptueux et admirables qu'ils fussent, bien loin de le servir semblaient même lui nuire auprès de son aimée ce qui montre l'indifférence et le dédain dont fait preuve la jeune fille. [...]
[...] Le chevalier pourrait donc être comparé au diable en personne, accompagné de ses démons. Comme il a été dit précédemment, la femme peut être comparée à une pierre, son cœur plus précisément. Or là encore, c'est une comparaison que Boccace emprunte à Dante, et plus précisément à la Béatrice de la Vie nouvelle. Cette idée renforce encore plus cette idée de cruauté : la femme est insensible à l'amour du jeune homme et elle ne réagit pas vraiment au supplice qu'elle subit. [...]
[...] Enfin, Boccace construit son texte en rupture avec plusieurs traditions, que nous avons évoquées précédemment. Par exemple, la description de la cruauté en littérature est souvent perçue comme l'exemplum latin, à valeur religieuse, dont la finalité est de terroriser le lecteur avec la vision des peines de l'au-delà et de l'inciter à fuir le péché. On décrit l'horreur pour faire peur aux fidèles. Ici, l'auteur s'en détache puisque la peine de la femme est décrite comme un élément plus rituel, cyclique, qui ne tend pas uniquement à reproduire l'horreur. [...]
[...] Le parallélisme de construction entre amour et dépense est herméneutique et nous permet de nous demander si cet amour est véritable. En effet, ces deux termes, qui pourraient être mis en opposition, sont ici employés presque dans un rapport de cause à effet, comme si l'amour et l'argent ne pouvaient être traités indépendamment l'un de l'autre. Cette idée se déploie dans le texte : on peut citer par exemple un autre passage, celui narrant le départ de Ravenne de Nastase pour Classe afin qu'il puisse diminuer l'amour et les dépenses Cet attachement qu'éprouve Nastase est-il dont véritablement sincère ou n'est-ce qu'une volonté d'ascension sociale, puisque la dame est noble, d'un rang social supérieur au sien ? [...]
[...] De même, le christianisme relègue les femmes au second plan tandis que Boccace leur dédie son Décaméron. En effet, sur les dix jeunes gens qui se réunissent, sept sont des femmes. De surcroît, dès l'introduction, il s'adresse à la gent féminine : Autant de fois, ô gracieuses dames, pensivement je songe à quel point vous êtes toutes naturellement compatissantes, autant de fois je sais que le présent ouvrage sera jugé par vous en son commencement aussi pénible et fâcheux que peut l'être la douloureuse évocation de la mortalité pestilentielle récemment traversée. [...]
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