La remarque 121 de la section De l'homme des Caractères de La Bruyère (1688-1696) est un portrait. À travers le portrait de Gnathon, personnage glouton, qui poursuit en tout son intérêt personnel, le moraliste, fidèle à l'enseignement de saint Augustin, condamne l'égoïsme et l'amour-propre (...)
[...] Parce qu'il ne se consacre pas aux valeurs spirituelles, il reste dans l'inassouvissement et l'incomplétude qui caractérisent l'homme déchu. De plus, il rompt avec le modèle de l'honnête homme. Pour rendre sa critique efficace, La Bruyère préfère à la sécheresse du discours moral la mise en action et la vivacité du portrait. II) L'art du portrait A. La vivacité du portrait La forme du portrait est tout d'abord efficace parce qu'elle ne peut lasser le lecteur. En effet, le portrait est très bref (moins d'une page). [...]
[...] Conclusion La remarque 121, portrait de Gnathon, est marquée par sa vivacité narrative, à la fois l'art de rendre présent par le petit fait vrai et le grossissement qui va jusqu'au type pour provoquer le rire. Mais ce rire est grave sous le personnage grotesque perce une critique double. La Bruyère, dans une dimension anthropologique, suggère une vision pessimiste de la nature humaine corrompue ; dans une dimension sociologique, il met en scène un monde déstabilisé par un homme déréglé et monstrueux. [...]
[...] D'autre part, Gnathon mange non pas comme un homme, mais comme une bête. Le moraliste le peint comme impoli il se rend maître du plat (l. et sale, soulignant ce dernier trait d'une hyperbole 11 ne leur épargne aucune de ces malpropretés dégoûtantes, capables d'ôter l'appétit aux plus affamés (1. avant de le comparer à un chien de chasse se livrant à la curée démembre, déchire (1. 8). La Bruyère développe ensuite un second thème qui retravaille la même idée : l'évocation de Gnathon en voyage montre qu'il ne s'intéresse qu'à son confort personnel. [...]
[...] La critique anthropologique Le portrait de Gnathon est un portrait à charge. A. Le plaisir du corps Le moraliste suggère en premier lieu que Gnathon ne recherche que des biens matériels. Loin de toute quête spirituelle, il veut assouvir les besoins du corps. Cette critique se développe en deux temps. Tout d'abord, Gnathon, dont le nom, en grec, signifie mâchoire est glouton. La condamnation de sa gourmandise est à la fois quantitative et qualitative. D'une part, Gnathon est dans l'excès comme le montre la longueur des phrases et la répétition du verbe manger les conviés, s'ils veulent manger, mangent ses restes (l. [...]
[...] Cet égocentrisme se lit d'abord dans la structure négativo-restrictive qui ouvre le passage Gnathon ne vit que pour soi (l. puis dans les antithèses entre Gnathon et les autres hommes, désignés soit par un pluriel les hommes (l. des autres (l. soit par un terme collectif tout le monde (1. du genre humain (l. 26-27). Au nom de cet amour-propre, Gnathon désire dominer le monde entier. Il nie jusqu'à l'existence même des autres comme le révèle l'accumulation de structures négatives comme s'ils n'étaient point (1. [...]
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