Lecture analytique de la troisième lettre de l'oeuvre de De Guilleragues Lettres de la religieuse portugaise.
[...] Je ne sais pourquoi je vous écris, je vois bien que vous aurez seulement pitié de moi, et je ne veux point de votre pitié ; j'ai bien du dépit contre moi-même, quand je fais réflexion sur tout ce que je vous ai sacrifié : j'ai perdu ma réputation, je me suis exposée à la fureur de mes parents, à la sévérité des lois de ce Pays contre les Religieuses, et à votre ingratitude, qui me parait le plus grand de tous les malheurs : cependant je sens bien que mes remords ne sont pas véritables, que je voudrais du meilleur de mon coeur, avoir couru pour l'amour de vous de plus grands dangers, et que j'ai un plaisir funeste d'avoir hasardé ma vie et mon honneur ; tout ce que j'ai de plus précieux, ne devait-il pas être en votre disposition ? Et ne dois-je pas être bien aise de l'avoir employé comme j'ai fait : il me semble même que je ne suis guère contente ni de mes douleurs, ni de l'excès de mon amour, quoique je ne puisse, hélas ! me flatter assez pour être contente de vous ; je vis, infidèle que je suis, et je fais autant de choses pour conserver ma vie, que pour la perdre. [...]
[...] Elle utilise chaque argument à sa disposition (l'aveu, le reproche, le remords, la menace, le cri) pour tenter de retrouver l'amant qui l'a abandonnée. Il s'agit pour elle de faire revenir l'absent. Conclusion On peut maintenant s'interroger sur l'auteur réel du roman : qu'a-t-il voulu dire à ses contemporains ? Il a visiblement voulu outrepasser plusieurs tabous : en se faisant passer pour une femme, religieuse de surcroît, qui vit une passion donc illégale et malheureuse. [...]
[...] Si je vous aimais autant que je vous l'ai dit mille fois, ne serais-je pas morte, il y a longtemps ? Je vous ai trompé, c'est à vous de vous plaindre de moi : Hélas ! pourquoi ne vous en plaignez-vous pas ? Je vous ai vu partir, je ne puis espérer de vous voir jamais de retour, et je respire cependant : je vous ai trahi, je vous en demande pardon : mais ne me l'accordez pas ? Traitez-moi sévèrement ? Ne trouvez point que mes sentiments soient assez violents ? [...]
[...] Adieu, il me semble que je vous parle trop souvent de l'état insupportable où je suis : cependant je vous remercie dans le fond de mon coeur du désespoir que vous me causez, et je déteste la tranquillité, où j'ai vécu, avant que je vous connusse. Adieu, ma Passion augmente à chaque moment. Ah ! que j'ai de choses à vous dire ! Analyse Des sentiments exacerbés par une passion dévorante La ponctuation révèle l'agitation intérieure de la prétendue auteur, qui use et abuse des points d'exclamation et d'interrogation. Les phrases sont brèves, s'enchaînent rapidement, ce qui accentue l'impression d'énumération et d'accumulation. Elle s'exclame vivement hélas ! [...]
[...] Elle avoue des émotions qui la submergent : elle ressent de la honte, des regrets, de la lucidité. Elle ne s'arrête plus de dérouler ses sentiments : elle écrit cinq fois adieu mais ne termine jamais. Plus d'une dizaine de points d'interrogation traduisent autant de questions à son destinataire, mais aussi à elle-même. Elle l'interpelle, lui enjoint de l'informer de la nature de ses sentiments pour elle. La syntaxe est tout aussi révélatrice : il y a une abondance de phrases coordonnées ou subordonnées. [...]
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