Cyrano de Bergerac, publié au XIXème siècle, par Edmond Rostand, place son action à Paris au XVII ème siècle. Cette pièce de théâtre traite de l'Amour impossible entre Cyrano, handicapé par une proéminence nasale, et la belle Roxane qui ne brûle d'amour que pour Christian. Dans cette scène, Cyrano, résigné, choisit de sacrifier son amour et de venir en aide à son rival. Se faisant passer pour lui, il tente de séduire Roxane, sa cousine, qui ne se doute évidemment pas du subterfuge et pense que Christian trouve soudainement les bons mots pour lui traduire ses transports amoureux.
On peut se demander quels sont les différents aspects de la relation entre ces trois personnages. Cette scène est caractérisée par deux thèmes très forts qui s'en dégagent : l'Amour qui devient un hymne à la femme aimée et le climat mensonger duquel Cyrano de Bergerac drape ses paroles pour mieux séduire Roxane.
[...] Autant de termes qui prouvent que son amour quitte la dimension réelle pour gagner presque une considération religieuse. Il prouve ainsi la puissance de ce qu'il ressent. Sentiment qui se dématérialise au vers 18 : "un instant d'infini", oxymore qui prouve que les sentiments de Cyrano sont ce qu'il y a de plus beau car ils ne sont presque plus humains. Ils dépassent le simple carcan humain pour gagner "l'âme" au lieu du "coeur". On assiste ainsi à une communion spirituelle aussi bien que charnelle comme le prouve le champ lexical du corps, qu'il détourne de manière à prouver à Roxane l'universalité de ses sentiments ("c'est un secret qui prend la bouche pour une oreille" v 17) et la complémentarité que ces deux êtres forment en se "respirant un peu le coeur". [...]
[...] Ses paroles sont complétées par le baiser donné finalement par Christian. Ce baiser, sujet principal des alexandrins, ne sera procuré que par le rival du poète. On assiste dans cette scène à une amplification des sentiments amoureux de Roxane, réduis à des phrases très courtes mais qui gagnent, par ce biais, en intensité. La duperie complète de Roxane est à opposer au spectateur qui assiste à la pièce. Cette scène confère au spectateur une place de choix qui prend part, à sa manière, à l'action. [...]
[...] Cyrano réalise ironiquement : "C'est vrai, je suis beau, j'oubliais ! " En effet, Roxane, dupée, pense parler avec son amant . ce compliment ne s'adresse donc pas à notre héros qui le constate avec tristesse. Ce qui, sans doute, le fera avoir une réaction excessive : "poussant Christian". La conclusion de cette scène, toute en exclamatives, traduit la souffrance terrible de cet être ("Aïe qui subit la non réciprocité de ses sentiments, douleur telle qu'il perpétue la métaphore filée du religieux pour se métaphoriser en Lazare, personnage de la Bible qui ne se nourrissait que de restes. [...]
[...] Ainsi, Cyrano de Bergerac choisit-il de réciter des vers, en alexandrins de surcroît, vers "nobles" par excellence, qui n'ont ainsi que plus de puissance. On retrouve dans cette scène le registre lyrique, caractérisé par des exclamations et des interrogations sous la forme de questions rhétoriques. Ces procédés ne visent qu'à prouver la ferveur de ses sentiments amoureux et la difficulté qu'il éprouve à les refouler devant l'être aimé. D'autre part, Cyrano en habile poète qu'il est, utilise le champ lexical de l'amour et du bonheur ("baisers", "brûle", frisson"). [...]
[...] Christian qui embrasse l'objet brûlant de ses désir et Cyrano qui souffre en contrebas, de ne pas être aimé. Une complicité entre le spectateur et la scène qui se déroule devant ses yeux est établie, il assiste avec plaisir à une pièce dans laquelle il est, à sa façon, acteur. Cette scène 10 de Cyrano de Bergerac évoque donc deux aspects de la relation vécue par les trois personnages : la duperie et l'amour. Cette première est évoquée par un jeu scénique particulier et une place importante conféré au spectateur qui voit la scène dans sa totalité. [...]
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