Jules Renard applique dans ce poème en prose, les méthodes d'observation très précises et détaillées des naturalistes qui veulent rendre compte de la réalité de manière scientifique.
Cependant, tout en dressant le portrait du cygne en tant qu'animal, il parvient à dresser aussi celui du poète et de sa condition dans le monde, voué à l'illusion d'un vain idéal (...)
[...] LE CYGNE Parmi ses Histoires naturelles publiées en 1896, Jules Renard, poète naturaliste, a écrit Le Cygne. Dans ce texte en prose, il dresse de manière poétique le portrait d'un cygne en quête de nourriture sur un bassin. Nous étudierons d'abord la vérité du portrait de l'animal pris sur le fait. Ensuite, les procédés d'écriture sur lesquels repose la construction d'un trompe l'œil et enfin, la destruction de cette illusion. Réalisme du portrait du cygne Description de l'animal Le poète nous aide dans notre représentation du cygne en évoquant d'abord son aspect dominant, c'est-à-dire sa blancheur et sa légèreté, grâce au champ lexical du blanc renforcé, tout au long du texte par de nombreuses images dont quelques comparaisons : comme un traîneau blanc nuages floconneux vêtu de neige tel un bras de femme léger coussin de plumes comme une oie Le portrait est vivant grâce à la description précise des mouvements de l'oiseau. [...]
[...] Ainsi, Jules Renard détruit-il notre représentation du cygne comme animal sauvage et lié au monde divin car Zeus en prit l'apparence pour séduire une mortelle, Léda, en le ramenant à un être banal observable par un naturaliste. Cependant, par les procédés poétiques mis en œuvre, il réussit à nous faire rêver et à offrir du poète et de sa mission une image valorisante. Seul, le cygne est renvoyé à sa nature animale tandis que le poète ne peut être domestiqué et reste libre d'exprimer sa vision du monde. [...]
[...] La personnification des nuages et de l'eau décrit aussi le parcours d'une vie qui s'achève par la mort : les nuages qu'il voit naitre sont effarouchés ont disparu et les ondulations de l'eau meurent A l'image du poète, le cygne «désire mais n'a rien victime de cette illusion Mais cette conception du destin du poète s'apparente davantage à celle des Romantiques tel Baudelaire ou des poètes maudits, comme Rimbaud. Elle surprend sous la plume d'un poète naturaliste comme Jules Renard. [...]
[...] Il faut peut-être se souvenir que Jules Renard est contemporain de l'invention de la photographie. De cette succession naît l'impression de mouvement comme au cinéma. Le rôle du décor dans la description De même les termes qui indiquent les différents éléments du décor, c'est-à- dire les nuages et l'eau qui guident notre représentation, appartiennent aussi au champ lexical du mouvement : naître bouger se perdre ondulations se reforme disparu revenir reflets Par le recours à l'harmonie initiative le mot même ondulation par sa longueur et ses sonorités, suggère le mouvement de l'eau. [...]
[...] Quel sens lui donner ? III- La fin de l'illusion On constate que, dès le vers17, le poète revient à la réalité par une question oratoire : Mais qu'est-ce que je dis ? L'irruption du je brise l'illusion poétique en introduisant une distance, par le langage, suprématie de l'homme, entre l'animal et le poète : c'est la fin du cygne-poète. La rupture est exprimée par le recours à un registre de langue plus familier : «plonge, fouille engraisse ainsi qu'à un vocabulaire plus concret : la vase, le ver L'allitération en V traduit la déception du poète tandis que celle en R dans «nourrissante ramène un ver et engraisse» exprime la déchéance du cygne revenu à sa nature animale, uniquement préoccupé par la recherche de la nourriture. [...]
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