Critique et clinique, Gilles Deleuze, processus d'écriture, expérience personnelle de l'auteur, ressenti des lecteurs, Louis Aragon, Alfred de Musset, autobiographie, Annie Ernaux, dimension littéraire d'une oeuvre, Théophile Gautier, Victor Hugo, engagement politique de l'auteur, Marquise de Sévigné, Mallarmé, Rousseau, Francis Ponge, Vincent Jouve, implication du lecteur, singularité de l'oeuvre, intention de l'auteur
En 1973, Roland Barthes évoque « la mort de l'auteur » dans un article éponyme. L'auteur et son intention n'auraient plus leur place dans les écrits, en précisant plus tard qu'en tant que lecteur il est nécessaire de croire qu'il y a une présence de l'auteur. Gilles Deleuze semble être en accord avec cette thèse puisqu'il écrit en 1993 dans Critique et clinique, Paris, Minuit aux pages 12 et 13 : « Écrire n'est pas raconter ses souvenirs et ses voyages, ses amours et ses deuils, ses rêves et ses fantasmes [...] ».
D'après Gilles Deleuze, le processus d'écriture ne peut pas être le lieu de narration des expériences, des sentiments ou de l'idéal de son auteur. C'est à travers une réflexion sur les personnages et sur une forme a priori impropre que l'oeuvre révèle son intériorité à son apogée. Le texte artistique ne se fait qu'après qu'une sorte d'impersonnalité ait pris le pas sur la première personne. Or, si l'écrivain essaie de se mettre à distance de l'oeuvre en utilisant une forme neutre, en tant que celui qui réalise le processus d'écriture, peut-il vraiment retirer toute son intimité de l'oeuvre ?
[...] Les écrivains du mouvements parnassiens du XIXe siècle considèrent qu'une œuvre est littéraire par l'intention que l'auteur met derrière. De ce fait, Théophile Gautier, poète et chef de file de ce mouvement, énonce la célèbre formule : « L'art pour l'art », qui reflète parfaitement la thèse parnassienne. D'après eux, l'écrit ne devient littérature que s'il est blanc d'intention de l'auteur. L'écrivain devrait écrire seulement pour le plaisir du beau, de l'esthétique et ne pas y mettre une quelconque intention derrière. [...]
[...] Ainsi, la « littérature » peut « commencer » avec le récit de la vie d'un auteur. En effet, le postulat de Gilles Deleuze restreint les œuvres littéraires qui contiennent la vie de l'auteur à de simple récit, tel un conte. Or, l'autobiographie est bel et bien assimilée comme de la littérature par son statut de genre littéraire. Elle a été théorisée par Philippe Lejeune dans Le Pacte autobiographique dans lequel il définit les exigences auxquelles doivent répondre les œuvres autobiographiques. [...]
[...] Ainsi, un auteur qui se « raconte » ne rétablit pas une « singularité [à son] plus haut point ». En effet, l'écrivain qui a conscience de se mettre dans son texte ne produit plus une œuvre sincère car il va chercher à se mettre en scène. Or, s'il souhaite donner une impression ou une autre à son lecteur, il ne va non plus se concentrer sur l'authenticité de ses dires mais sur le ressenti que cela va donner aux lecteurs, sur l'image que cela va véhiculer. [...]
[...] En effet, une œuvre utilisant la première personne ne marque pas nécessaire la scission entre l'auteur et le lecteur. Ainsi, Annie Ernaux implique un deuxième aspect artistique avec la photographie qui joue un rôle principal dans Les Années puisque l'auteure y articule chacun de ses souvenirs. Cette présence de la première personne semble alors nécessaire puisque les images évoquent sa famille ainsi que des moments de sa vie. Pour la présence d'une singularité littéraire, il est alors préférable que cela soit Annie Ernaux qui évoque ces instants plutôt qu'une troisième personne qui ne pourrait rétablir aussi fidèlement ces souvenirs. [...]
[...] Ainsi, Alfred de Musset dans La Confession d'un enfant du siècle décrit un schéma répétitif. Lorsque Octave découvre la liaison de Brigitte avec un autre homme, malgré sa colère et sa douleur, il retourne vers elle, prêt à lui pardonner. Ce blocage du protagoniste qui retourne sans cesse vers ce qui l'a blessé révèlerait, d'après la psychanalyse, les pulsions sadomasochistes de Alfred de Musset. Cela démontre bien le fait que l'auteur, à travers un personnage a priori différent de lui, présente sans le vouloir une intimité profonde qu'il n'oserait pas révéler directement. [...]
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