Comme le dit Jean Pierre Richard : « Eventé, éclairé, il semble bien que l'univers proustien ait en effet le pouvoir de s'animer (…) ». Cet extrait est une topographie qui a pour caractéristique principale de s'animer. Ce passage est extrait de « Combray » la première partie du tome Du côté de chez Swann. Après avoir exposé les deux côtés : du côté de chez Swann et du côté de Guermantes et après nous avoir raconté le côté Guermantes, le narrateur nous livre ici ses impressions sur le cours de la Vivonne. Il évoque le courant, les fleurs et les couleurs qu'il voit ou qu'il imagine selon ce que lui inspire l'environnement. Le temps n'est donc pas fixe comme cela l'aurait été dans une autre description. Nous pouvons alors nous demander en quoi ce texte nous montre un temps instable voire insaisissable.
[...] Nous ne pouvons tout étudier dans un texte aussi riche que le texte proustien mais nous pouvons conclure en disant que la notion du temps est exprimée tout au long de ce texte. Ce passage est un tableau mais qui n'est parfois pas fixe, il suit le regard du promeneur. La description est à la fois immobile et labile. Ce décor impressionniste est une réflexion picturale : ici et dans les tableaux des peintres impressionnistes est exposée une coloration que le lecteur ou le spectateur n'a jamais vu car personne n'a réellement l'habitude de regarder attentivement la nature. [...]
[...] Cette description est un tableau du bonheur : le narrateur par la méditation recherche le bonheur. Un bonheur qui n'est présent que sommairement. En effet, ce passage développe le thème du bonheur intrinsèquement lié à celui de la méditation. La phrase à la ligne 12 rougissait comme une fraise une fleur de nymphéa au cœur écarlate, blanche sur les bords indiquerait la notion du bonheur. Par un effet d'oppositions, la couleur blanche s'oppose à l' écarlate et le cœur s'oppose au bord Le rouge que ce soit en Extrême-Orient ou en Europe connote le sang et la vie (d'où le terme cœur mais aussi le bonheur. [...]
[...] La locution fête galante employée au singulier peut aussi rappeler l'expression au pluriel fêtes galantes qui est l'expression sous laquelle on désigne certaines toiles célèbres de Watteau et de ses imitateurs (Pater, Lancret Dans par exemple la peinture de Watteau Le Pèlerinage à l'île de Cythère le spectateur peut imaginer toutes les variations possibles des rêveries amoureuses (ce qui a probablement inspiré Verlaine qui a intitulé un de ses recueils Fêtes galantes Mais ici cette fête galante et cette rêverie appartiennent déjà au passé. Le terme mélancolique montre bien que le temps du bonheur est éphémère puisque la mélancolie c'est penser à un moment heureux qui n'existe déjà plus. Ce texte nous montre en quelque sorte le malheur du bonheur. La mélancolie désignait tout d'abord une des quatre humeurs qui selon la théorie ancienne des tempéraments prédisposait à la tristesse et à l'hypocondrie. [...]
[...] Cet état transitoire est présent tout au long de ce passage, par exemple, les grandes ombres des arbres donnent à l'eau des couleurs différentes (l.10) et on croit voir flotter (les fleurs) à la dérive »l.16. Ce texte est alors fondé sur la dialectique mobilité/paralysie ; la nature change tout en dépeignant un état presque paralytique c'est-à-dire immobilisé par l'effet d'une émotion, d'un état psychique. Nous pouvons lire aux lignes 33- 34 : ( ) changeant sans cesse pour rester toujours en accord autour des corolles de teintes plus fixes ( ) La locution adverbiale sans cesse s'oppose donc à l'adverbe toujours et à l'adjectif fixe Le sol d'une couleur plus précieuse est dans le mouvement éternel alors que les corolles appartiennent à un état figé. [...]
[...] Les deux verbes au présent de l'indicatif à la fin du passage avec ce qu'il y a de plus profond ( ) avec ce qu'il y a d'infini ont une valeur universelle accentuée par les compléments infini et plus profond. Si ce bonheur est universel il ne peut néanmoins être éternel. L'image du bonheur ou l'image de la recherche du bonheur est également une image plus sombre, une image d'un bonheur qui peut-être insaisissable. Dès le début le sentiment de calme éprouvé est qualifié de passager : comme après l'effeuillement mélancolique d'une fête galante »l.17-18. [...]
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