Le titre de la nouvelle souligne le fait que le lecteur de la nouvelle (= nous) passe
insensiblement du parc que le lecteur du roman peut contempler par les larges baies à celui que parcourt le héros du roman qu'il est en train de lire, parcs finalement confondus.
Le titre indique ainsi symboliquement qu'il y a dans cette nouvelle une continuité entre
l'histoire racontée dans le roman et la vie de l'homme qui lit. Les frontières entre fiction et réalité sont absoutes, attendu que le personnage du roman lu vient assassiner son lecteur.
Pour créer ce sentiment de continuité, l'auteur de la nouvelle que nous lisons prend soin de créer des points communs entre les deux récits (...)
[...] Le poignard devenait tiède au contact de sa poitrine. Dessous, au rythme du cœur, battait la liberté convoitée. Un dialogue haletant se déroulait au long des pages comme un fleuve de reptiles, et l'on sentait que tout était décidé depuis toujours. Jusqu'à ces caresses qui enveloppaient le corps de l'amant comme pour le retenir et le dissuader, dessinaient abominablement les contours de l'autre corps, qu'il était nécessaire d'abattre. Rien n'avait été oublié : alibis, hasards, erreurs possibles. À partir de cette heure, chaque instant avait son usage minutieusement calculé. [...]
[...] Il jouissait du plaisir presque pervers de s'éloigner petit à petit, ligne après ligne, de ce qui l'entourait. (l.14-15). À travers cette nouvelle, Cortazar nous livre donc une leçon de lecture. Notons d'ailleurs que cette nouvelle empêche son lecteur d'être la victime de l'illusion référentielle, dans la mesure où Cortazar a fait en sorte que son personnage principal soit mis à mort par un personnage sorti du roman qu'il est en train de lire : cette péripétie ne laisse au contraire de perturber le lecteur. [...]
[...] Phrase après phrase, absorbé par la sordide alternative où se débattaient les protagonistes, il se laissait prendre aux images qui s'organisaient et acquéraient progressivement couleur et vie. Il fut ainsi témoin de la dernière rencontre dans la cabane parmi la broussaille. La femme entra la première, méfiante. Puis vint l'homme le visage griffé par les épines d'une branche. Admirablement, elle étanchait de ses baisers le sang des égratignures. Lui, se dérobait aux caresses. Il n'était pas venu pour répéter le cérémonial d'une passion clandestine protégée par un monde de feuilles sèches et de sentiers furtifs. [...]
[...] (l.26-27). L'homme qui lit, dans la nouvelle, est donc condamné à mort par l'auteur parce qu'il est victime du réflexe de l'illusion référentielle et lit sans distance une littérature bas de gamme. [...]
[...] Quelle image du lecteur et de la lecture nous est ici donnée ? Un homme lit passionnément un livre : les marques d'une passion croissante pour l'histoire lue : il se laissait lentement intéresser par l'intrigue (l.3-4) ; l'illusion romanesque le prit presque aussitôt (l.13-14) ; il jouissait du plaisir presque pervers (l.14) ; absorbé par la sordide alternative ( il se laissait prendre aux images (l.20-21) L'œuvre qu'il lit est un mélange de roman à l'eau de rose et de roman noir : o les clichés du roman à l'eau de rose : baisers, caresses, une passion clandestine protégée par un monde de feuilles sèches et de sentiers furtifs. [...]
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