Fables, La Fontaine, corbeau, renard, littérature, poésie
Situations du texte
A. Dans la symbolique animale
Le renard. C'est la première intervention dans l'ouvrage d'une de ses figures les plus riches. Ici, il est présenté comme le maître de la ruse langagière. Le corbeau, au noir plumage, est considéré, dans l'imaginaire collectif, comme un oiseau de mauvais augure, associé à la mort qu'il est censé présager. Ce personnage est peu représenté dans les Fables. Son intervention (en II, 16, Le Corbeau voulant imiter l'aigle) éclaire son symbolisme : il se flatte, c'est-à-dire se voit autre que ce qu'il est. Il est l'esclave de l'amour-propre (amour de soi, narcissisme), passion constamment dénoncée par les moralistes contemporains du poète.
B. Dans l'ouvrage de La Fontaine. Dans Le Corbeau et le Renard, la conclusion formulée implicitement par La Cigale et la Fourmi est renversée : la cigale montre que chanter ne donne pas à manger, le renard démontre le contraire. L'interrogation continue donc de porter sur les pouvoirs du beau langage.
Projet de lecture
Le texte retravaille une problématique du genre (du genre « fable ») qu'expose La Vie d'Esope le Phrygien : la langue est la meilleure et la pire des choses, elle sert aussi bien la vérité que l'erreur. Au centre précis du discours flatteur du renard, j'isole l'expression ironique qui va me servir de projet de lecture : vers 7, « sans mentir ». Est-ce que le renard « ment » ? Le discours de la flatterie est-il un discours mensonger ? La question porte autant sur le statut du discours représenté dans le texte (discours du renard) que sur le statut du discours représentant (la fable elle-même dans sa singularité mais aussi la fable en elle-même, comme exemplaire du genre) : mensonge ou fiction ?
[...] La leçon dispensée par le renard serait-elle vaine ? En tout cas, cela motive la mention « mais un peu tard », qui introduit un jugement de fabuliste. Il est toujours trop tard pour le corbeau : il sera toujours la proie d'un autre car il est d'abord sa propre proie (jouet de l'amour-propre). Troisième commentaire. La fable ne s'achève pas sur la moralité mais sur le récit. Pourquoi donc ? Est-ce parce qu'il s'agit de montrer que la leçon n'a qu'une portée toute relative ? [...]
[...] Chacun est désigné par la même appellation, qui est située à la même place dans le décasyllabe : « Maître Corbeau », « Maître Renard » (NB. Le terme de Maître, dans ce contexte, renvoie au titre donné aux artisans, aux marchands, aux serviteurs principaux.) Corbeau et Renard fonctionnent comme des noms propres. Les mots placés à la rime ? le corbeau a le fromage, le renard a le langage. La tractation finale est préparée : si langage rime avec fromage, ils sont équivalents et pourront s'échanger. Donnant donnant, langage contre fromage, l'échange est équitable : « cette leçon vaut bien un fromage ». Deuxième commentaire. [...]
[...] Le discours du renard s'achève avec le mot « bois » qui, placé à la rime, appelle son correspondant et permet l'enchaînement : « bois joie voix ». L'effet est humoristique. Le renard suggère au corbeau de chanter, c'est-à-dire de croasser : et c'est lui, le renard, qui fait entendre le premier son du croassement. Vers 10- « A ces mots ». Ce sont bien les derniers mots du renard qui persuadent le corbeau. Noter l'assonance comique : « à ces mots, le corbeau » 2. [...]
[...] Le beau langage permet de manger. Dont acte pour le poète et ses mécènes. Vers 5-9. Le discours flatteur du renard Première remarque. Les marques de la flatterie se condensent en des formulations à signification hyperbolique. Voyez le lexique : « Monsieur du Corbeau » (titre d'honneur qui implique considération et respect, pas seulement marque de civilité, mais titre adressé à un égal et surtout à un noble, à quelqu'un de haut placé, sur un arbre perché Voyez la syntaxe, notamment la modalité exclamative du v.6 : elle signifie une feinte admiration. [...]
[...] On note la ressemblance phonique partielle des vocables bec et belle (paronomase). Vers 13-16 L'action reçoit une double sanction. Une sanction narrative. L'objet désiré, le fromage, est capturé. Mais ce n'est pas le plus important : un hémistiche suffit à énoncer cette première sanction. La deuxième sanction – morale – est plus décisive. Elle se développe sur trois vers et demi, au discours direct. C'est le renard qui opère le retour à la réalité et à la vérité : c'est lui qui administre la leçon. [...]
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