Rousseau explicite à présent les effets bénéfiques de la participation à l'ordre social : ce chapitre a donc valeur de justification du projet général de fondation d'un ordre social légitime. Une formule résume de manière synthétique une telle option : ce passage de l'état de nature à l'état civil produit dans l'homme un changement très remarquable. "En quoi consiste-t-il ? Qu'a-t-il de si "remarquable" ? C'est précisément ce qu'il convient ici d'éclairer. Pour l'essentiel, ce passage à l'existence sociale témoigne d'une dimension morale décisive qui permet de comprendre a posteriori pourquoi l'ordre social était posé comme "sacré" (au chapitre I : "Sujet de ce premier livre") : la vie sociale n'est pas seulement le cadre extérieur de l'existence humaine mais cela même qui le transforme de l'intérieur. Autrement dit, ce passage à l'état civil est bien ce qui permet à l'homme de développer ses facultés et ce qui, par là même, modifie substantiellement sa nature (...)
[...] Par où l'on voit que la propriété privée est une institution du droit civil. En outre, dans la société du contrat, Rousseau reconnaît bien que les hommes pourront toujours être inégaux quant aux biens. Mais ce qui change tout et qui doit annuler les effets délétères d'une telle inégalité, c'est que tous les hommes sans exception seront cependant égaux au sens où ils pourront tous compter sur une égale protection de la communauté et donc de la loi contre toute atteinte portée à leur droit, si pauvres qu'ils soient. [...]
[...] C'est pourquoi chacun est bien assuré de ne dépendre de personne en particulier et par là d'être libre. Il s'agit donc d'une égalité morale ou de droit, et non de fait. Mais l'inégalité inévitable des biens doit elle- même rester comprise dans certaines limites telles qu'il y ait plus d'inconvénients que d'avantages pour le riche à pratiquer l'injustice et, pour le pauvre, à s'y prêter. L'inégalité matérielle doit être, dans cette mesure, compatible avec l'égalité juridique : il faut donc la limiter. [...]
[...] Dans le 2nd Discours en effet, Rousseau avait montré que l'homme naturel n'est ni bon ni méchant, car il ne connaît ni le bien ni le mal : ses actions sont sans moralité. C'est donc seulement avec la vie sociale que commencent la vie morale et la soumission de l'homme à la loi, tout en le garantissant de toute dépendance personnelle, lui donne en outre le pouvoir de consulter sa raison, de régner sur ses passions et de résister à ses penchants. En ce sens, on comprend que l'avantage fondamental du contrat, qui en fait toute la légitimité, c'est donc la liberté. Chapitre IX : Du domaine réel. [...]
[...] Mais en outre, Rousseau indique ici surtout qu'à l'indépendance de l'homme à l'Etat de Nature succède une liberté garantie par la justice, c'est-à-dire aussi par des lois. De l'immoralité à la moralité : cela ne veut pas dire que l'homme n'est pas un être moral à l'Etat de Nature, il faudrait plutôt dire que c'est un être a-moral : l'homme à l'Etat de Nature se caractérise par une certaine forme d'innocence au sens où il ignore précisément ce que c'est d'agir selon le bien et le mal (il vit seul et indépendant : l'homme naturel n'est donc ni bon ni méchant car il ne connaît ni le bien ni le mal, ses actions sont donc sans moralité). [...]
[...] Dans l'impulsion physique, l'homme n'est pas vraiment libre puisqu'il est poussé à agir en fonction de ses envies et de ses besoins dont il n'est pas toujours maître. Le devoir, au contraire, fera passer l'homme du stade de la contrainte à celui de l'obligation : il ne sera plus dirigé par ses tendances mais c'est lui qui, le cas échéant, les dirigera. Le pacte social, qui paraît d'abord entraîner de très lourds sacrifices (cf. la clause unique énoncée en apporte en fait un gain considérable avec la production de l'homme comme être social, juridique, moral et surtout libre. [...]
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