Les Contemplations, Victor Hugo, indignation, auteur engagé, misère sociale, compassion du lecteur, travail des enfants, registre lyrique
Victor Hugo est connu pour son engagement qui s'exprime entre autres dans Les Châtiments, pamphlet contre Napoléon III, ou Les Misérables évoquant les victimes d'un ordre social injuste.
Les Contemplations regroupe six livres d'une vingtaine de poèmes chacun (158 en tout). Le livre III précède le livre « Pauca Meae », livre du deuil, dédié à sa fille Léopoldine. Le livre III « Les luttes et les rêves », composé de trente poèmes, constate et dénonce la misère sociale et morale dont Hugo est témoin : il y dénonce la guerre, la peine de mort, la tyrannie, les scandales.
[...] Rythme épique À côté du pathétique nécessaire pour susciter la pitié et la révolte, Hugo donne une dimension épique à son évocation du travail des enfants pour montrer sa violence. Le rythme de l'alexandrin est souvent brisé par les enjambements 19/22, V 24/25, V 28, V 34) ou encore les rejets 32) : moins de régularité pour plus d'émotion ce qui crée ce lyrisme épique. Notons encore ce passage : [travail] qui tue, œuvre insensée,/La beauté sur les fronts, dans les cœurs la pensée,/Et qui ferait - c'est là son fruit le plus certain -/D'Apollon un bossu, de Voltaire un crétin /Travail mauvais qui prend l'âge tendre en sa serre,/Qui produit la richesse en créant la misère,/Qui se sert d'un enfant ainsi que d'un outil . [...]
[...] Le travail semble un monstre vorace qui asphyxie l'enfance. Le maton en chef semble secondé pas ses sbires que sont ici les machines : Accroupis sous les dents d'une machine sombre,/Monstre hideux qui mâche on ne sait quoi dans l'ombre, . Les machines sont à leur tour personnifiées tandis que la rime (sombre/ombre) connote le fantastique qui paraît plus inquiétant ainsi paré d'obscurité coupable. Cet univers crée une atmosphère inquiétante ou la machine domine comme dans un film d'anticipation. La métaphore du monstre : Monstre hideux qui mâche on ne sait quoi dans l'ombre est rendue plus effrayante encore par la référence à sa voracité (mâche) que le présent duratif (il ne cesse de mâcher) rend inquiétante. [...]
[...] La situation d'énonciation finit d'impliquer le lecteur qui semble sommé de ne pas détourner les yeux tandis que le souffle épique met les lecteurs en ordre de combat pour affronter le monstre-travail La poésie met toute sa force au service des idées comme souvent chez Hugo. À son retour d'exil en 1970 Victor Hugo devient député : il souhaite abolir la peine de mort, réformer la magistrature, défendre les droits des plus faibles (femmes, enfants) et rendre l'instruction laïque et obligatoire. Au bout d'un mois, désillusionné, il démissionne. Il décèdera le 22 mai 1885. [...]
[...] Notons encore ces deux vers Et qui ferait - c'est là son fruit le plus certain -/D'Apollon un bossu, de Voltaire un crétin où le lien entre les illustres Apollon et Voltaire d'une part et bossu et crétin d'autre part crée, par antithèses, une contradiction édifiante : conséquences tant physiques (bossu) pour le Dieu de la beauté masculine, qu'intellectuelles (crétin) pour le Philosophe des Lumières, voilà les terribles conséquences du travail des enfants Le pathétique s'exprime encore par la répétition et la durée des tâches à accomplir. Ainsi arrêtons-nous sur ces deux vers : Ils vont, de l'aube au soir, faire éternellement/Dans la même prison le même mouvement. . La mise en apposition du complément de temps formé sur l'antithèse aube/soir insiste sur ce rythme effréné, sans repos. La répétition de même renforce encore cette répétition abrutissante qui paraît sans fin. L'adverbe hyperbolique éternellement placé à la rime par son sens comme par sa longueur (cinq syllabes) finit de souligner l'infernale besogne infligée aux enfants. [...]
[...] Subversion des statuts de la machine et de l'enfant Ce traitement inhumain va encore plus loin puisqu'il conduit à la déshumanisation des enfants. On a déjà évoqué la personnification des machines, ajoutons à cela la réification de l'enfant : Qui se sert d'un enfant ainsi que d'un outil . La comparaison enfant/outil retire à l'enfant son humanité : corvéable à merci, utilisable comme un objet, il devient le jouet du système. Hugo réitère : [ . ] qui donne, en somme,/Une âme à la machine et la retire à l'homme . [...]
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