Rousseau, Confessions, éducation, enseignement, didactique, connaissance, Émile ou De l'éducation
Dans le passage qui nous intéresse ici, la portée didactique ou morale de l'ouvrage apparaît d'autant plus que nous avons à faire à la description de la formation d'un jeune esprit. Rousseau, autodidacte, revient sur sa quête de connaissance dans un récit qui constitue en quelque sorte le pendant réaliste, pratique, des théories de l'éducation qu'il a pu formuler dans L'Émile, un livre dans lequel il explore les meilleures voies spirituelles par lesquelles un maître peut faire advenir un enfant à l'éveil universel au monde, à la morale et à la science des choses naturelles.
[...] On retrouve là les ambitions pédagogiques que Rousseau a exposées dans son traité sur l'éducation, L'Émile. On reconnaît donc bien là, dans une gestion temporelle stricte et planifiée des forces intellectuelles du jeune penseur, une forme d'auto-contrainte qui sert à Rousseau de base pour réorganiser les séquences narratives de sa jeunesse dans le but d'éclairer une certaine théorie de l'enseignement qu'il portera dans toute sa philosophie, et qui se situe à la charnière entre une éducation classique prônée par les Lumières et un éveil général de la conscience au monde envisagé comme totalité indivisible, qui sera plutôt portée par les Romantiques. [...]
[...] Cette conversion douloureuse s'inscrit dans la tension entre l'un, le clair, le transparent d'un côté, et le multiple, l'opaque, l'obstacle de l'autre qui traverse toute l'œuvre de Rousseau. Dans cette optique d'accumulation progressive et méthodique de connaissance, Rousseau organise sa journée selon un emploi du temps qui incarne quotidiennement la logique générale de la connaissance élaborée par la théorie classique. Il débute par la philosophie, qui constitue selon Descartes le tronc commun de toutes les sciences, puis s'intéresse à la géométrie et à l'algèbre, dont la structure logique épurée est supposée former le jeune esprit à la pratique de la réflexion, avant de se pencher sur l'apprentissage du latin, langue universelle de la connaissance et étape obligatoire du jeune homme voulant se frotter à la culture classique. [...]
[...] » manifeste la profusion excessive d'une liste de grands noms qui se succèdent sans aucun ordre, dans une accumulation brouillonne manquant terriblement d'efficacité. Face à la multiplication protéiforme d'idées contradictoires à laquelle il assiste, le jeune Rousseau forme le projet utopique de réconcilier toutes les doctrines. Cette tentative, qui manifeste chez le jeune apprenant une impatience d'acquérir une compréhension globale des choses, au risque de brûler les étapes qui pourraient lui permettre de parvenir à une véritable maîtrise des idées, a pour résultat de « le fatiguer beaucoup et de lui faire perdre bien du temps. [...]
[...] Cette donnée sociologique, lié au décalage qu'il existe entre les ambitions intellectuelles de Rousseau et son appartenance à une petite bourgeoisie marchande qui ne lui permet pas de les réaliser dans de bonnes conditions, détermine chez le jeune homme un rapport à soi particulier qui apparaît dans ce texte à l'état naissant et qui fondera en grande partie la postérité, positive ou négative, du philosophe : à la fois maître et élève, juge et accusé, confesseur et confessé, Rousseau développe une sorte de double-personnalité qui fonde sa rhétorique de l'aveu, tout en permettant une construction narrative de soi dotée d'une importante portée didactique. Nous allons examiner la construction de cet ethos si particulier, aux implications tant morales que stylistiques, à travers les différentes étapes de l'apprentissage décrites dans ce texte fondateur. Deux échelles temporelles sont à l'œuvre dans le texte auquel nous nous intéressons. [...]
[...] Les confessions, pages 302 à 307 - Rousseau (1782) - La méthode et les choix de lecture de Rousseau L'extrait à l'étude est tiré des Confessions de Rousseau, un récit autobiographique retraçant la vie du philosophe Jean-Jacques Rousseau selon un schéma narratif qui s'inspire du genre chrétien des confessions, c'est-à-dire de l'aveu des péchés, et plus particulièrement du texte de Saint-Augustin, portant le même titre que l'ouvrage de Rousseau, et narrant le processus de conversion du théologien antique. D'emblée, on voit donc que le texte du philosophe genevois s'inscrit dans une double-exigence de vérité, qui peut aller jusqu'à l'auto-humiliation, preuve rhétorique de l'absolu détachement de l'auteur vis-à-vis des mensonges de son amour-propre, et d'exemplarité, puisque l'idée qui sous-tend le projet de se peindre soi-même en toute franchise est de fournir aux autres Hommes une sorte de modèle comparatif qui les renvoie à leur propre nature véritable. [...]
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