Confession du pécheur justifié, James Hogg, récit du chroniqueur, récit du pécheur, roman à plusieurs voix, phénomène naturel, phénomène surnaturel
Confession du pécheur justifié est un roman à plusieurs voix, nous avons d'abord le récit du chroniqueur puis du pécheur, Robert. L'un éclairant l'autre et permettant de donner du sens aux phénomènes qui apparaissent dans le récit du chroniqueur. George subit la présence de Robert qui semble le suivre, être partout où il est. Le comportement étrange de Robert instaure une ambiance particulière, les coïncidences titillent le lecteur qui cherche à comprendre ce qu'il se passe. L'extrait suivant marque une rupture dans le genre du récit, l'étrange semble se métamorphoser. Le chroniqueur rapporte le récit que fait George à son père et M. Adam à propos de deux phénomènes qu'il a observés dans la nature, l'un naturel et l'autre surnaturel.
[...] Pour analyser ce glissement, nous partirons de l'étude de la dimension dite surnaturelle du phénomène, du point de vue du texte (de George), et du lecteur. D'après Todorov, dans son introduction à la littérature fantastique, le fantastique, c'est l'hésitation éprouvée par un être qui ne connait que les lois naturelles, face à un évènement en apparence surnaturel. Le fantastique participe donc de la subjectivité de cet être. Cette hésitation est présente dans l'esprit de George. Elle est exprimée de deux façons. La première est la peur. George est effrayé par cette apparition, dont le chroniqueur décrit le regard comme celui d'un carnassier. [...]
[...] Ainsi du point de vue du roman, de son cadre de pensée, nous restons dans l'étrange ; suivant la définition de Todorov : s'il décide que les lois de la réalité demeurent intactes et permettent d'expliquer les phénomènes décrits, nous disons que l'œuvre relève d'un autre genre : l'étrange la peur de George n'est pas dû à l'apparition elle-même, à ce qu'elle aurait de fantastique, mais plutôt à la dangerosité du nuage et au fait que Robert en soit la forme (une apparition fantasmatique). Du point de vue d'un lecteur pour qui l'existence des démons ne va pas de soi cette apparition et la réaction de George mène vers le merveilleux (religieux). Les mondes référentiels du roman et du lecteur sont différents. L'un se suffit à lui- même, le surnaturel nait du langage (cohérence interne) et l'autre le compare au monde tel qu'il le connait. [...]
[...] Cette apparition surnaturelle n'est pas sans ambigüité, il y avait de la crainte et du tremblement dans ces traits fantomatiques, aussi clairement qu'y était peinte une méchanceté meurtrière Ce qui rend un élément surnaturel effrayant, c'est d'une part qu'il sorte des gonds de la réalité, et d'autre part qu'il puisse être dangereux. Ici son comportement est équivoque, et seule la peur qu'éprouve George continue de faire de cette apparition un évènement potentiellement mortel. Nous avons donc un phénomène surnaturel, exprimé par les éléments de la nature. C'est une apparition qui entraine non la contemplation ou une forme de ravissement, mais un questionnement, une volonté de comprendre ce qu'il se passe, à la fois pour dépasser la peur et pour satisfaire à un besoin d'ordonnancement de la réalité. [...]
[...] L'opposition (ou enchainement) des deux phénomènes permet de penser le genre du roman, la valeur relative d'un merveilleux dépendant de la capacité à trouver des causes et ordonner le monde. Tout au long du livre l'ambigüité sera maintenue, on apprendra qu'il existe bien un être étrange qui suit et guide Robert, il sera principalement assimilé au diable, mais son existence ne sera jamais niée. Cela conférera au Confession du pécheur justifié une tonalité merveilleuse, mais surtout l'allure d'un récit sombre imprégné de religiosité et de superstitions. [...]
[...] Il n'y a donc plus d'hésitation, il y a même affirmation : Il fut d'autant confirmé dans la conviction que c'était un esprit du mal qu'il le vit s'approcher face à lui Ainsi cette conviction annule directement toute possibilité de fantastique. La notion d'évènement surnaturel ne vaut que le temps de la description du phénomène. Comme nous le disions plus haut, cet extrait marque une rupture dans le roman, ou plutôt un glissement. Jusqu'à la page 64 le récit était étrange. La présence insistante de Robert semblait être une coïncidence trop grossière pour qu'elle ne soit pas provoquée par une quelconque magie, mais il nous était jusqu'alors impossible de trancher. [...]
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