« Je sais que la poésie est indispensable, mais je ne sais pas à quoi ! » s'exclame Cocteau lors de son discours de réception à l'Académie française en mars 1955. Il s'essaie cependant, dans un essai intitulé Le Secret professionnel qui tente de dresser « un bilan de l'esprit poétique » et est publié en 1922, de définir le rôle de la poésie. Cela est permis et justifié par le fait que Cocteau travaille dans toutes les disciplines et écrit entre autres à la fois des poésies de création et des textes d'analyse et de réflexion.
De manière assertive et sûre, il déclare alors en quelques phrases sa conception du rôle de la poésie. Il met particulièrement en avant sa fonction de dévoilement en insistant avec « force » sur le verbe « dévoiler » qui rejoint l'expression « monter nue ». Il s'agit de lever le voile afin d'accéder à ce qui est caché, secret ; de révéler ce que l'habitude dissimule, efface peu à peu. On retrouve par ailleurs la thématique du réveil dans cette approche de la poésie, un réveil des sens, de la perception que l'habitude a endormis. En même temps, tout en restant assez vague, il explicite ce qui pour lui doit être l'objet de la poésie, à savoir « les choses surprenantes qui nous environnent ». On peut noter que la notion de « lumière » renvoie également à l'idée de point de vue, d'angle d'observation puisqu'il s'agit d'« une lumière » possible parmi d'autres. De nombreux concepts se retrouvent donc mêlés en seulement quelques mots.
[...] La poésie peut en effet également avoir une fonction (voire un devoir) qui consiste, au-delà d'un dévoilement, en une dénonciation de ce que l'on observe. Se pose la question du statut de la poésie engagée, qui semble, malgré ce que Sartre a pu écrire, capable d'être porteuse d'un message à dimension historique et philosophique, au même titre que d'autres formes d'écriture telle que l'essai et que d'autres formes d'art telles que la peinture. Cet aspect rentre dans la conception du rôle de la poésie de Cocteau. [...]
[...] Le poète par une transmutation du langage vivifie les lieux communs. Cela passe par une certaine simplicité de la langue qui permet de rendre les caractéristiques davantage apparentes. La poésie est, pour Baudelaire, une vision nouvelle, une découverte différente du monde qui nous environne, un moyen de comprendre le rapport de l'humain au monde qui l'entoure. La simplicité et la transparence du langage permettent de montrer les choses de la façon la plus pure possible. Il ne s'agit donc pas tant de considérer que chaque objet à une beauté en lui, mais plutôt que chaque objet peut être redécouvert de telle sorte qu'il devient digne d'intérêt. [...]
[...] C'est le cas dans le poème en prose L'Orange Il compare la texture, la consistance de l'orange à celles d'une éponge et il insiste également sur la prononciation même du mot, qui ne requiert aucune moue appréhensive Il s'agit d'un refus d l'arbitraire des signes, le poème veut établir le rapprochement entre l'objet et le mot. Francis Ponge veille toutefois à garder le caractère poétique de son texte et cela grâce à des figures de style telles que la personnification de l'orange et de l'éponge et à travers les jeux sur les sonorités. Les allitérations et les assonances confèrent un certain rythme à son texte. [...]
[...] Dissertation sur la conception du rôle de la poésie selon une citation de Jean Cocteau Voilà le rôle de la poésie. Elle dévoile, dans toute la force du terme. Elle montre nue, sous une lumière qui secoue la torpeur, les choses surprenantes qui nous environnent et que nos sens enregistraient machinalement. Jean COCTEAU, Le Secret professionnel (1922) Vous direz ce que vous pensez de cette conception du rôle de la poésie, en vous appuyant sur des exemples précis. Je sais que la poésie est indispensable, mais je ne sais pas à quoi ! [...]
[...] Par ailleurs, on peut observer qu'il existe une poésie qui fait du poème un monde tout à fait clos, qui ne représente pas le monde réel, ni aucun monde renvoyant à une réalité matérielle. Cocteau se place implicitement à l'opposé du mouvement symboliste qui concerne malgré tout une large part de la production poétique moderne. Le symbolisme se caractérise en effet par un refus de l'arbitraire des signes et donc de manière plus générale par mise à distance des référents au monde réel. Les poètes symbolistes teintent leurs œuvres d'intentions métaphysiques, de mystère, voire de mysticisme. Le sujet a désormais de moins en moins d'importance, il n'est qu'un prétexte. [...]
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