Hugo fait représenter Ruy Blas pour l'inauguration du Théâtre de la Renaissance le 8 novembre 1838, huit ans après Hernani. Il s'inspire une nouvelle fois de l'histoire espagnole pour créer ce drame romantique en cinq actes et en alexandrins : à la Cour de Charles II, Don Salluste veut se venger de la Reine Marie de Neubourg qui l'a exilé, et utilise son laquais Ruy Blas, amoureux de la souveraine, qu'il fait passer pour un Grand d'Espagne, Don César de Bazan, son cousin. Il ordonne à Ruy Blas « De plaire à cette femme et d'être son amant », afin qu'elle soit humiliée à son tour et connaisse la disgrâce.
Une idylle naît bientôt entre la reine et Ruy Blas, vite devenu un personnage essentiel de la Cour. Mais Salluste réapparaît (acte III) pour rappeler à son laquais qu'il a tout pouvoir sur lui. Rendez-vous est fixé dans une maison de Madrid, et la reine s'y rend elle aussi, à cause d'un « billet doux » écrit à l'acte I, scène 4. Dans la scène 3 de l'acte V, Salluste surprend les deux amants, et Ruy Blas avoue son identité à la reine. Irrité par la conduite de Salluste envers celle qu'il aime, Ruy Blas, au cours d'une tirade (v.269-296), renverse le rapport de force dans un grand moment de vérité.
[...] - Il vient de révéler son identité (v.2143 : « Je m'appelle Ruy Blas, et je suis un laquais ! »), qu'il redit au vers 2196, et tient à créer les conditions d'un moment de vérité : il fait de Salluste un prisonnier (cf. didascalie, et « J'ai poussé le verrou »), et utilise surtout le temps du présent dans ce moment décisif. Il reprend ainsi le passé très récent avec le présent (« Je crois que vous venez d'insulter », « Vous osez l'outrager quand je suis là ! », « Et vous vous figurez », v.2169, 2187, 2189), ainsi que le futur immédiat : « Je vais vous expliquer », v.2178. La perspective d'un futur est d'ailleurs niée : « N'allez point par là » (v.2170), « Personne n'entrera » (v.2175), « Je ne répondrai pas », v.2184 (...)
[...] je pleurais ! Je ne peux pas vous dire. Au marquis. Vous contiez vos griefs dans ces derniers moments. Je ne répondrai pas à vos raisonnements Et d'ailleurs je n'ai pas compris. Ah ! Misérable ! Vous osez, votre reine, une femme adorable ! [...]
[...] tortueux v.2191), qui est dit écumant sous talon de fer v.2176. - D'ailleurs, Ruy Blas atteint une véritable grandeur, une sorte de solennité que signale l'adjectif de la didascalie initiale terrible et qui se réalise dans ses paroles. La construction de plusieurs vers contribue à lui donner cette solennité : des tétramètres, aux v des amplifications : Personne au début du v.2175 et l'hyperbole ni l'enfer ! à la fin, le rythme 3 / 3 / 6 associé au rythme ternaire au v.2182, l'énumération du v.2195, l'amplification 2 / 4 / 6 du dernier vers. [...]
[...] Les rythmes binaires permettent à Ruy Blas d'être plus catégorique dans ses affirmations : au vers 2175, le Personne initial est renforcé par la double négation ni tes gens, ni l'enfer ! ; au vers 2191, dans une sorte d'épanorthose, un traître est développé par un fourbe tortueux avec l'épithète évoquant la monstruosité et enrichissant l'allitération heurtée en et ; deux épithètes au vers 2192 ; au vers 2193, l'alternative exprimée au début du trimètre Noble ou manant tend à généraliser le discours. [...]
[...] Les deux dramaturges témoignent à leur manière d'un sentiment de malaise après la révolution de 1830, qui fut loin de concrétiser les espérances. [...]
[...] (v.2187), et par l'ironie des vers 2189-2190, soulignée par l'allitération symétrique v-v-f / et le rejet de Sans rien dire ! La punition est concrètement annoncée on écrase v.2174) avant les sept derniers vers, où Ruy Blas construit une réflexion générale sur la justice : présent de vérité générale a v.2193), temporelle introduite par lorsque + principale équivalant à un raisonnement cause / conséquence, généralisation (indéfini un apposition Noble ou manant indéfini tout et champ lexical de la justice : Commet droit sentence bourreau Les tétramètres des vers 2194 et 2195 donnent à cette réflexion un aspect magistral. [...]
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