Une tirade structurée et dynamique
Le risque d'une tirade au théâtre : être trop statique, ralentir l'action, quitte à ce que l'attention du spectateur se relâche. Rostand contourne ce risque en rendant la tirade dynamique :
- sur le plan de l'énonciation : la tirade réintroduit sans cesse une forme de dialogue rapide Cyrano fait les demandes et les réponses. Cf apostrophes « Monsieur » récurrentes, ou « l'ami » (v. 335), + impératif à la 2ème personne du pluriel (v. 328 ; 330) on ne sait plus vraiment s'il se parle à lui-même, ou s'il vise un destinataire invisible ou universel. La tirade constitue une sorte de parenthèse où le personnage semble jouer avec lui-même : il exclut son interlocuteur réel (Valvert), lui confisque la parole et se recrée un interlocuteur plus spirituel. L'effet de dialogue et souligné par les guillemets récurrents et l'importance des modalités interrogative et exclamative qui structurent la 1ère moitié de la tirade.
[...] - Toute la deuxième partie de cette tirade repose sur une hypothèse pour évoquer ce qui ce serait passé si Valvert avait été un homme spirituel : « si vous aviez eu » / repris par l'irréel du passé « eussiez-vous eu » (= même si vous aviez eu) = il infirme l'hypothèse qu'il formule. Il fait une concession (Valvert pourrait avoir de l'esprit) pour mieux la rejeter (Valvert est bel et bien incapable d'en faire preuve).
- Il ridiculise donc le personnage aux vv. 361-362 « le quart de la moitié du commencement d'une », mais au-delà de l'insulte, il s'agit d'une menace. La colère du personnage apparaît dans le rythme croissant créé par l'enjambement (vers 361 à 362) (...)
[...] Cf la gradation sur un rythme ternaire v descriptif : c'est un roc ! . c'est un pic ! . c'est un cap ! accentuée par la régularité du rythme du vers : 3 (syllabes) / 3 3 / 3. - Ce vers révèle son habileté à forger des métaphores, ce qui domine par la suite : croc (v. 335), mer rouge (v. 339), navet géant (v. [...]
[...] Mais pour ce néologisme, il fait une référence littéraire à Aristophane = montre sa culture, cf aussi la référence à la mer Rouge. Le personnage montre l'étendue de ses connaissances. L'inventivité du langage s'appuie sur deux figures : métaphores et hyperboles. Le rire est lié à la fantaisie, à la puissance de l'imagination du personnage. Du rire aux larmes : la diversité et l'inventivité de Cyrano. - La tirade est un vrai morceau comique : à commencer par le comique de mots, Cyrano parle de ces folles plaisanteries (v. 360). Le personnage manie les contrastes : alternance des niveaux de langue. [...]
[...] La colère du personnage apparaît dans le rythme croissant créé par l'enjambement (vers 361 à 362) et le contre-rejet car à la fin du vers 362 qui met en évidence la cause que Cyrano avance Je me les sers moi-même Il donne un avertissement violent je ne permets pas Lorsqu'il dit le quart de la moitié du commencement d'une il sous-entend qu'il l'aurait arrêté par les armes s'il avait commencé une seule véritable plaisanterie. Les autres personnages, dans les trois premières scènes disaient que Cyrano pouvait être un personnage menaçant : on comprend comment et pourquoi ici. III les fonctions de ce morceau de bravoure langagier : à quoi sert une telle tirade dans l'intrigue ? Un portrait en actes (càd en action) Par la parole brillante, Cyrano livre ici un portrait de lui-même après celui que les autres avaient fait dans les scènes précédentes. [...]
[...] La question du destinataire : à qui cette tirade est-elle adressée ? À qui s'adresse Cyrano réellement dans cette scène ? La réponse n'est sans doute pas aussi évidente que ce qu'elle semble. - À Valvert dans un premier temps on l'a vu dans toute la deuxième partie de l'explication pour la ridiculiser. - Au public auquel il montre qui il est (la composition de la tirade construit un portrait moral du personnage dans son discours). Par la mise en abyme qu'instaure ce début de l'acte ce public est double : . [...]
[...] L'humour marque sans doute que le personnage voudrait se refuser à la souffrance que ce nez impose, et veut se montrer invincible face au monde réel. II une attaque verbale Un défi à Valvert - La 1ère unité de la tirade place d'emblée le texte sous le signe de l'agressivité. Cela crée donc un parallèle entre le début de la 1ère partie de la tirade (v. 311-352), et la 2nde partie (v. 353) qui commence par l'adverbe voilà qui reprend tout ce qui précède. [...]
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