Commentaire de textes : codes romanesques des incipit.
[...] Commentaire de textes A l'aune du corpus de documents, il s'agit ici de s'interroger dans quelle mesure les deux incipit des œuvres Germinal (1885) d'Émile Zola (texte et de Zazie dans le métro (1959) de Raymond Queneau (texte sont traditionnels, c.-à-d. présentent les caractéristiques et remplissent les fonctions d'un incipit. A titre liminaire, il convient de rappeler que le terme « incipit » vient du latin « insipide », lequel signifie « commencer » et à ce titre désigne le début d'un roman, lequel a pour fonction, d'une part, d'exposer les choix narratifs de l'auteur (genre du roman, point de vue, registre lexical), et de présenter le contexte de l'intrigue (informations sur les personnages, sur le lieu, le temps, leurs objectifs), d'autre part, d'accrocher le lecteur et de le faire rentrer dans la fiction. [...]
[...] En définitive, si les deux incipit étudiés, tous deux écrits d'un point de vue subjectif en focalisation interne, répondent dans l'ensemble aux codes traditionnels romanesques, tant du point de leurs fonctions que de leurs caractéristiques, ceux-ci s'en détachent cependant, pour le premier par sa dimension fantastique qui invitent le lecteur à l'interprétation d'un double sens symbolique de l'œuvre, pour le second par sa dimension comique et oratoire, subvertissant ainsi des règles romanesques en apparence respectée en établissant une convention scripturale avec le lecteur, ce dernier percevant l'originalité du niveau de langue, inappropriée à un roman. [...]
[...] Au contraire du texte l'incipit de Zazie dans le métro de R. Queneau, écrivain membre de l'Oulipo et défenseur du concept de néo-français, surprend avec son premier mot, illustration de cette langue phonétique, plus proche de l'oral, « Doukipudonktan ». Par cette phrase interrogative inconventionnellement écrite, l'amorce de l'incipit surprend et déstabilise le lecteur. Le monologue du personnage est drôle et dynamique, la chute de ce premier paragraphe surprend encore par l'utilisation de l'expression familière « se tamponner le tarin ». [...]
[...] Cette originalité est-elle mise en œuvre au détriment des fonctions traditionnelles de l'incipit ? L'incipit obéit aux règles de l'incipit « dynamique » ou in média RES, répandu dans les romans du XXe siècle, dans la mesure où il plonge le lecteur dans une intrigue déjà commencée sans autres explications que « Doukipudonktan ». Le lieu (Paris, gare d'Austerlitz) et le moment de l'action (à la manière de Gabriel de s'exprimer, on devine qu'il s'agit du Paris des années 1950) sont décrits de manière réaliste. [...]
[...] L'homme avance en aveugle, comme écrasé par la planitude de son environnement dont il n'a la sensation que par les gifles des bourrasques. La symbolique marine, associant les ténèbres à une mer déchaînée (« des rafales larges comme sur une mer », « au milieu de l'embrun aveuglant des ténèbres »), et l'évocation de lieux déshumanisés (« des lieues de marais et de terres nues ») contribue à créer une dimension fantastique, figurant le personnage comme un homme perdu, enfermé dans un espace vide et nu (« dans la plaine rase », « le sol noir », « immense horizon plat », « des terres nues »), s'enfonçant tel Orphée dans les ténèbres infernales, en lutte avec les éléments hostiles. [...]
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