Le Chef-d'œuvre inconnu est un très bref roman de Balzac, une œuvre de jeunesse qui tout en témoignant de l'ambition réaliste de l'auteur révèle également de sa part un goût relativement romantique pour le fantastique. Au tout début de l'œuvre, le jeune Nicolas Poussin, tout juste arrivé à Paris; croise dans l'escalier du peintre Porbus, qu'il voudrait avoir pour maître, un vieillard énigmatique, Frenhofer, un peintre lui aussi dont il ignore encore l'identité. Cette rencontre donne lieu à un portrait très évocateur du personnage qui éveille d'emblée la curiosité du lecteur. En effet, en présentant cet être mystérieux, la description oscille entre réalisme et fantastique tout en présentant ce peintre comme un véritable sujet pictural. Comment ce passage offre-t-il un portrait saisissant de Fraunhofer? Nous verrons tout d'abord comment le texte offre une description assez réaliste d'un riche vieillard. Nous étudierons ensuite comment ce portrait s'apparente à un véritable tableau et rappelle le principe de l'ecphrasis. Nous montrerons enfin que Frenhofer se caractérise par sa dimension énigmatique.
[...] La description réaliste d'un riche vieillard 1. Un vieillard assez laid Le narrateur décrit de façon réaliste Frenhofer tout en insistant sur son grand âge ce terme est d'ailleurs répété, de même que le nom vieillard utilisé pour le désigner. La vieillesse des traits du peintre et leur déformation sont accentuées par la présence .de termes négatifs tels que ridée ternis» ou flétri Le passage des années et le poids des soucis ont marqué le corps du vieil homme de leur empreinte comme le souligne le narrateur dans un commentaire au présent de vérité générale en évoquant les fatigues de l'âge, et plus encore [ . [...]
[...] Le narrateur utilise des termes élogieux: pour le caractériser: outre magnificence la dentelle de son col se caractérise par une blancheur étincelante Son pourpoint s'orne également d'une lourde chaine d'or. Même si sa tenue a quelque chose d'étrange et de déjà suranné, avec son rabat de dentelle» appartenant à une autre époque, même si le narrateur ne manque pas de souligner son incongruité par une comparaison relativement inattendue et amusante qui associe la dentelle du col à une truelle à poisson le personnage présente donc une apparence imposante et raffinée, qui contraste singulièrement avec ses traits flétris et peu harmonieux. [...]
[...] Le mystère Le personnage de Frenhofer est entouré d'une aura de mystère. Son apparition même a quelque chose de surprenant, comme le signale la toute première phrase du passage, frappante par sa brièveté, mais aussi par l'usage modal du verbe venir: Un vieillard vint à monter l'escalier. Le personnage est vu par Nicolas Poussin qui ne le connaît pas et éprouve de la surprise lors de cette rencontre: le jeune peintre est frappé par sa bizarrerie il l'examina curieusement Certaines expressions très indéterminées, comme quelque chose de diabolique ou ce je ne sais quoi qui affriande les artistes soulignent le mystère qui nimbe le vieillard. [...]
[...] En outre, tout le passage est essentiellement visuel, aucune parole, aucun bruit ne sont mentionnés, la scène paraît silencieuse comme le souligne l'adverbe final silencieusement En revanche, le champ lexical de la vue est très présent avec des termes comme examina aperçut ou image le lecteur se trouvant impliqué dans cette vision par l'usage des impératifs, mais aussi par le biais du pronom on dans à peine voyait- on Enfin, la description est au départ amorcée par le regard du jeune peintre Nicolas Poussin et s'achève par une comparaison avec une toile de Rembrandt.» Le rapport de cette description à la peinture est donc central et complexe. Le vieux peintre Frenhofer semble être à son tour devenu le sujet d'un tableau, donnant ainsi lieu dans ce passage à une forme d'Euphrasie. Cependant, la comparaison finale avec un Rembrandt concourt également à donner un caractère énigmatique au vieillard. III. [...]
[...] Un tableau 1. La précision La description de Frenhofer est très précise et détaille avec minutie, après avoir donné une vue d'ensemble du personnage, les différents éléments de son visage en passant en revue le front, le nez, la bouche, le menton, la barbe, les yeux au sein d'une longue phrase complexe qui joue sur des effets d'accumulation et comporte également de très nombreux adjectifs ou participes comme dans l'expression suivante: un menton court, fièrement relevé, garni d'une barbe grise taillée en pointe La figure de Frenhofer se dessine peu à peu, à mesure que sont évoquées les parties de son corps et de sa tenue, d'autant plus que le narrateur semble associer le lecteur lui-même à l'organisation et à la création de ce portrait. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture