Si les récits épiques de l'Antiquité et du Moyen Âge ont souvent cherché à valoriser les héros à travers leurs faits d'armes, les guerres modernes ont plutôt suscité des fictions qui en dénoncent la barbarie et l'absurdité. Le roman d'Alice Ferney intitulé Dans la guerre, quoique très récent, s'attache à relater l'histoire d'une famille paysanne dans le contexte de la Première Guerre mondiale. Dans le présent extrait, la guerre est déclarée depuis peu; le narrateur nous en donne une vision à travers Jules, personnage principal du roman, qui vient de quitter Félicité, sa femme, et Julia, sa mère, pour combattre au front. Comment ce récit, limité dans le temps et organisé autour d'un seul personnage, débouche-t-il sur une condamnation universelle de la guerre? Nous montrerons d'abord que cette vision de la guerre est construite à travers la conscience d'un personnage singulier, Jules. Nous-verrons ensuite que ce récit s'affirme comme une véritable dénonciation de toute guerre.
[...] Conclusion Ainsi, par le biais de la conscience d'un personnage de fiction dont le narrateur analyse avec finesse la transformation, ce passage aboutit à une condamnation sans appel de toute forme de guerre. Pas de véritable marque de jugement, une écriture exempte de tout pathos, pour donner à la guerre sa véritable dimension: il n'y a pas de héros, juste des armes qui labourent ou percent. Chaque guerre a sa spécificité, ses progrès techniques pour la rendre un peu plus barbare, mais ce récit nous renvoie à des interrogations restées sans réponse: comment des nations peuvent-elles envoyer leur jeunesse s'entre-tuer par milliers? [...]
[...] Commentaire de texte : Alice Ferney, "Dans la guerre" Commentaire de texte Quelle pagaille! pensait Jules. On dirait que l'armée découvre la guerre. Et, se disant cela, il ne songeait pas que c'était à peu près exact. Car les Allemands avaient inventé une nouvelle façon de combattre qui couchait dans les champs le clairon et les baïonnettes françaises, avant même l'entrée des villages dont ils sonnaient l'assaut. En cette journée du 2l août où priaient Julia et Félicité, on finissait de compter cent cinquante mille morts dans les offensives de Lorraine. [...]
[...] La vie que chacun reçoit ne compte pour personne autant que pour lui-même. Ce qu'il en fait, combien de temps il la mène et la conserve, seuls les témoins de l'origine, père et mère réunis, se préoccupent d'un tel chemin autant que celui qui le parcourt. Julia le disait à son fils: aucun amour ne vaut celui du sang. En ces jours de sang, Jules se le rappelait. Son père était mort, sa mère était une dure, il voulait taire à sa femme ce qu'il endurait: Jules découvrit quelle solitude incombe aux êtres qui mêlent la pureté à leur intelligence du monde. [...]
[...] Une dénonciation de la guerre 1. La guerre détruit les peuples La scène est en partie construite à partir d'un épisode de la Première Guerre mondiale, mais elle dessine en filigrane un véritable réquisitoire contre la guerre, qui détruit des vies par milliers. Le récit souligne ainsi, par une opposition significative, le nombre impressionnant de morts - cent cinquante mille» - dans les offensives de Lorraine et le peu de temps qu'il a fallu pour ce massacre: cette journée du 21 août 1914». [...]
[...] La narration rend compte de ce parcours intime à travers l'utilisation du discours indirect libre, qui nous fait subtilement pénétrer dans la conscience de Jules qui se dit on dirait que l'armée découvre la guerre Dans cette conscience, le thème de la mort prend une place prépondérante: on trouve ainsi trois occurrences du mot mort pour souligner combien elle obsède Jules, qui oppose deux regards sur la mort: celui de l'armée et le sien propre. Les questions rhétoriques Qui s'en souciait? tentent de traduire l'indignation intérieure du jeune soldat, qui comprend que la mort d'un homme, qui était tout pour cet homme, était peu pour une armée L'antithèse entre tout et peu» rend sensible cette dichotomie entre l'individu et l'institution, aveugle et abstraite. [...]
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