[...] Le champ lexical de l'incapacité nous représente Bérenger dans l'impossibilité de réagir aux événements : il « n'arrive pas à » (l.72) « je ne peux plus changer » (l.78) « je ne peux pas » (l.79) « je ne peux plus me voir » (l.79/80). L'expression métaphorique « travail d'Hercule » (l.21) souligne l'ampleur de la tâche, idée reprise par le complément de manière « au dessus de mes forces » (l.22). L'adjectif hyperbolique « intenable » (l.8) est renforcé par l'adverbe de manière « absolument ». Un procédé anaphorique aux lignes 69/71 avec la répétition de l'adverbe d'opinion « non » et « ce n'est pas ça » illustre cette inaptitude qui s'oppose à sa volonté « comme je voudrais » (l.53, 63) « je voudrais bien, je voudrais tellement » (l.78/79).
[...] Bérenger se considère différemment au fur et à mesure de la scène: au début, il affirme « je suis un être humain » (l.6) puis « je suis un monstre » (l.76) et « je suis le dernier homme » (l.87). De même, la gradation descendante dans l'approche de son image physique prouve que la manière dont il se voit évolue « un homme n'est pas laid » (l. 34/35), « je ne suis pas beau, je ne suis pas beau » (l.50/51), « ce sont eux qui sont beaux » (l.52/53), « comme je suis laid » (l.81). Au début, le protagoniste s'avoue vaincu, il juge qu' « il est trop tard » (l.75) comme le met en relief la triple répétition de l'adverbe de fréquence « jamais » (l. 77). Il déplore son échec « hélas » (l. 76) puis culpabilise avec le conditionnel passé « j'aurais dû » (l. 74/75), se juge avec le passé composé « j'ai eu tort » (l.53) et finit par faire un bilan pathétique au présent « comme j'ai mauvaise conscience » (l.74). (...)
[...] (Il retourne vers la glace.) Un homme n'est pas laid, un homme n'est pas laid ! (Il se regarde en passant la main sur sa figure.) Quelle drôle de chose ! A quoi je ressemble alors ? A quoi ? (Il se précipite vers un placard, en sort des photos, qu'il regarde.) Des photos ! Qui sont-ils tous ces gens-là ? M. Papillon, ou Daisy plutôt ? Et celui-là, est-ce Botard ou Dudard, ou Jean ? Ou moi, peut-être ! [...]
[...] Hein, sont-elles réversibles (l. 19/21), quelle est ma langue ? Est-ce du français, ça ? (l.26). Il répète d'ailleurs ce dernier adjectif quatre fois. Par ailleurs, son comportement devient curieux : les didascalies indiquent qu'il commence à perdre pied : il se parle à la glace, ne se reconnaît plus et utilise des tableaux représentant des tierces personnes pour retrouver son identité c'est moi, c'est moi (l.45). Il emploie également des interjections ah (l.62), ahh (l.69/70, 73) oh (l.53) hein (l.20). [...]
[...] Conclusion Ionesco illustre le combat intérieur entre le doute et la révolte en plaçant son héros dans une position très inconfortable : très différent de la race désormais dominante, il se sent incapable de réagir face aux événements et à la folie qui le ronge petit à petit. Mais il évolue : être humain fragilisé au départ, il semble devenir un monstre et parvient à s'émanciper pour devenir le dernier homme, un homme libre. Le personnage principal de cette pièce a su finalement opposer une résistance naturelle à l'avancée de la rhinocérite tout comme Rougemont dont Ionesco nous apprenait dans sa préface qu'il avait résisté individuellement et naturellement au nazisme qui tentait de l'assujettir. [...]
[...] Toutefois, il va retrouver de la force dans sa résistance naturelle. II. De la solitude à la singularisation ou comment résister L'évolution de Bérenger Bérenger se considère différemment au fur et à mesure de la scène: au début, il affirme je suis un être humain (l.6) puis je suis un monstre (l.76) et je suis le dernier homme (l.87). De même, la gradation descendante dans l'approche de son image physique prouve que la manière dont il se voit évolue un homme n'est pas laid (l. [...]
[...] Hélas, je suis un monstre, je suis un monstre. Hélas, jamais je ne deviendrai rhinocéros, jamais, jamais ! Je ne peux plus changer. Je voudrais bien, je voudrais tellement, mais je ne peux pas. Je ne peux plus me voir. J'ai trop honte ! (Il tourne le dos à la glace.) Comme je suis laid ! Malheur à celui qui veut conserver son originalité ! (Il a un brusque sursaut.) Eh bien tant pis ! Je me défendrai contre tout le monde ! Ma carabine, ma carabine ! [...]
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