Le fragment 339 (selon l'ordre établi dans l'édition Sellier, la plus récente (2000-2001)…
[...] D'une phrase à la suivante, on constate que « grandeur » et « grand » ne s'appliquent qu'au pluriel pour qualifier ceux qui relèvent de la catégorie de « la chair », car, le lecteur peut le comprendre, il n'existe pas de « grandeur » au sens conceptuel moral pour ce qui appartient à la « chair », mot qui conclut, comme « esprit » la première fois, la troisième proposition. « Ces grands de chair » (le démonstratif « ces » accuse) sont aveugles à l'esprit: « La grandeur des gens d'esprit est invisible aux rois ». La quatrième phrase vient éclairer l'intention théorique de Pascal, à savoir l'établissement de « trois ordres ». De nouveau, les mots « grandeur », « invisible », « charnels » (pour « chair »), « gens d'esprit » sont répétés, la grandeur se trouvant toujours en début de proposition. [...]
[...] Un nouveau procédé rhétorique intervient dans la septième et huitième proposition. Cet élément, de nouveau redoublé, peut être considéré comme disruptif, en raison de sa qualité lyrique: « Ô qu'il a éclaté aux esprits / Ô qu'il est venu en grande pompe ». L'effusion exclamative rompt avec l'apparente objectivité de l'argumentation développée par Pascal, qui y fait intervenir une émotion personnelle. Elle est encore amplifiée par la répétition trois fois, dans la huitième proposition, du mot « saint »: « il a été humble, patient, saint, saint, saint à Dieu ». [...]
[...] Mais « de tous les corps et esprits on n'en saurait tirer un mouvement de vraie charité. Cela est impossible et d'un autre ordre surnaturel. ». L'immensité des corps et des esprits ensemble possède une dimension non seulement infiniment petite, mais « infiniment plus infiniment » petite au regard de la charité. Il n'existe pas de progression hiérarchique régulière entre chair, esprit et charité, car la dimension de grandeur de cette dernière relève de tout autre chose: du « surnaturel ». [...]
[...] La dernière proposition est un retour à la première, elle nomme de nouveau la hiérarchie des « corps » et des « esprits » d'une part, de la « charité » d'autre part, et se conclut, comme la première, par le mot « surnaturel ». Elle explicite également la différence entre « infini » et « infiniment plus infini »: il est de nouveau question ici de « grandeur », mais au sens géométrique. En effet, « de tous les corps ensemble on ne saurait en faire réussir une seule petite pensée. Cela est impossible et d'un autre ordre ». [...]
[...] On ne prouve pas qu'on doit être aimé en exposant d'ordre les causes de l'amour, cela serait ridicule. Jésus-Christ, saint Paul ont l'ordre de la charité, non de l'esprit, car ils voulaient échauffer, non instruire. Saint Augustin de même. Cet ordre consiste principalement à la digression sur chaque point qui a rapport à la fin, pour la montrer toujours. » La pensée 339, beaucoup plus longue, procède à une démonstration rigoureuse de l'existence de trois ordres, Jésus-Christ relevant du troisième. On y trouve la quintessence du style rhétorique et poétique de Pascal. [...]
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