Fédor Dostoïevski est un romancier réaliste russe né en 1821 et mort en 1881. Il est reconnu pour ses oeuvres majeures Crime et Châtiment (1860), L'idiot (1868) et Les Frères karamazov (1880) qui, en mettant en scène des figures universelles, interrogent les rapports de l'homme au bien et au mal. Le roman L'adolescent (1875) dont nous allons étudier l'incipit raconte quelques semaines dans la vie d'Arkadi Makarovitch Dolgorouki, jeune homme solitaire qui entretient des relations difficiles avec ses proches et fuit dans des réflexions chaotiques. Quel est le portrait du narrateur/personnage que nous en livre Dostoïevski ? Nous verrons tout d'abord qu'il est le fruit d'une filiation complexe puis que c'est un personnage sensible.
[...] C'est au lecteur de deviner que ce seigneur s'est arrêté lors de sa tournée et a eu des rapports avec sa mère dont aucune mention n'est faite alors qu'elle relie ces trois personnages. Nous ne connaissons pas l'expérience maritale de Dolgorouki, par contre nous savons de Versilov qu'il a eu au moins deux femmes comme le révèle l'emploi du plus-que-parfait à la voix passive « il avait été marié » (l. 15). A la ligne 15, l'adolescent juge utile d'indiquer qu'il s'était alors marié par intérêt pour son titre à une femme présentée péjorativement avec l'article indéfini qui la banalise « une Fanariotova » (l. 16), issue de l'aristocratie « du grand monde » mais dont la dote n'était pas élevée « elle n'était pas si riche que ça » (l. 15-16).
[...] Dès la première ligne, le protagoniste nous apprend qu'il a deux ans de retard en opposant par le biais de la conjonction de coordination « mais » le fait qu'il ait « fini ses études » de lycéen et son âge « vingt ans passés ». Il semble avoir vécu plusieurs vies et l'on ressent une urgence de sa part à nous les raconter. L'adverbe de temps « déjà » (l. 1) repris par la locution temporelle « tout au long de ma vie » (l.23) nous présente un adolescent qui parait vieux. Nous apprenons par l'anecdote finale racontée de la ligne 22 jusqu'à la fin qu'il a souffert de ses relations avec autrui. (...)
[...] du narrateur comme l'affirme l'adverbe de manière « juridiquement » (l. mais celui-ci se considère pourtant comme « un fils illégitime » (l. 4). C'est au lecteur de deviner que ce seigneur s'est arrêté lors de sa tournée et a eu des rapports avec sa mère dont aucune mention n'est faite alors qu'elle relie ces trois personnages. Nous ne connaissons pas l'expérience maritale de Dolgorouki, par contre nous savons de Versilov qu'il a eu au moins deux femmes comme le révèle l'emploi du plus-que-parfait à la voix passive « il avait été marié » (l. [...]
[...] 20) sans en préciser le nombre, ce qui laisse deviner qu'il est élevé. Enfin, le participe passé à connotation négative« contaminé » (l. 10) suggère que son emprise est néfaste, ce qui peut expliquer sa mise à distance lorsqu'il parle de lui « cet homme » (l.8, 10) repris à la ligne 13 par « cet homme-là » sans lui attribuer de prénom contrairement à son père adoptif. De même, au lieu de prétendre nous raconter son histoire, il parle d'une « affaire » (l. [...]
[...] 12) démontrent que paradoxalement ce père lui reste inconnu. En rapportant ces propos « Dieu sait pourquoi » (l.17), le narrateur décrit un père peu soucieux de contrarier son fils et l'expression durative « c'est toujours ainsi » (l. 19) lui permet de mentionner que son comportement adultérinest habituel. La preuve en est qu'avant qu'il ne rencontre sa mère, le seigneur avait « un fils et une fille » (l. 16) et qu'ensuite par un effet de gradation, le narrateur parle de « ses enfants, légitimes et illégitimes » (l. [...]
[...] Les six occurrences du pronom personnel sujet « je » et du pronom « moi » (l. 30) mis en relief entre deux virgules s'opposent à un ensemble de « gens » (l. 25) nommés dans une longue énumération (l. 26). La gradation ternaire « le moindre » « tous » (l. 26) et « n'importe » 27) donne l'impression d'un complot contre lui de personnes nommées collectivement par le groupe nominal démonstratif dépréciatif « tous ces oisifs » (l. 30). [...]
[...] Dans cet incipit, nous faisons la connaissance d'un jeune personnage issu de deux pères que tout oppose mais dont l'un, étonnement le géniteur, a eu une plus forte influence sur l'adolescent. A travers un récit hésitant qui crée l'illusion de la parole, il nous témoigne sa souffrance familiale. Nous pouvons le rapprocher de Bernard, personnage du roman Les Faux-monnayeurs d'André Gide, lui aussi bachelier et fils illégitime. Mais si Gide ouvre son roman sur la découverte de sa bâtardise et base son intrigue sur ce qui va en découler, Dostoïevski nous présente un héros éprouvé, prêt à vingt ans, à nous narrer une histoire douloureuse qu'il s'est déjà approprié. [...]
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