Explication de texte de l'incipit de La Chartreuse de Parme (1839) de Stendhal : de "Le 15 mai 1796 le général Bonaparte..." jusqu'à "l'on se trouva inondé de lumière".
[...] Bientôt surgirent des mœurs nouvelles et passionnées. Un peuple tout entier s'aperçut, le 15 mai 1796, que tout ce qu'il avait respecté jusque-là était souverainement ridicule et quelquefois odieux. Le départ du dernier régiment de l'Autriche marqua la chute des idées anciennes : exposer sa vie devint à la mode ; on vit que pour être heureux après des siècles de sensations affadissantes, il fallait aimer la patrie d'un amour réel et chercher les actions héroïques. On était plongé dans une nuit profonde par la continuation du despotisme jaloux de Charles Quint et de Philippe II ; on renversa leurs statues, et tout à coup l'on se trouva inondé de lumière. [...]
[...] Le roman débute donc avec l'irruption de la grande histoire, celles des campagnes de Bonaparte en Italie. Les Français apparaissent à de nombreuses reprises cette jeune aimée avant l'arrivée des Français l'arrivée imprévue de l'armée française l'accent étant mis sur la rupture, l'effet de surprise provoquée par cette entrée fracassante dans Milan. Le camp ennemi de Bonaparte apparaît aussi dans cette page : ce sont les Autrichiens avec l'expression devant les troupes de sa Majesté Impériale et Royale c'est-à-dire François II (1768-1835), le dernier empereur du Saint Empire romain germanique et le premier empereur héréditaire d'Autriche, neveu de Marie-Antoinette. [...]
[...] Les événements se hissent à la hauteur du mythe avec l'expression miracles de bravoure et de génie La métaphore de la lumière : l'on se trouva inondé de lumière mise en valeur par l'adverbe de temps tout à coup révèle le choc venu d'ailleurs qui dessille les yeux des Milanais. Elle s'oppose à la métaphore de la nuit : on était plongé dans une nuit profonde qui représente la soumission passée au despotisme jaloux de Charles Quint et de Philippe II où tout était souverainement ridicule et quelquefois odieux C'est la lumière qui l'emporte sur la nuit, avec l'effondrement des pseudo- valeurs qui avaient été inculquées (la passivité, l'obéissance, les mœurs efféminées mises en valeur dans l'expression la chute des idées anciennes Cette histoire rêvée, fantasmatique fait l'éloge du sublime, du miracle de l'héroïsme actions héroïques exposer sa vie Conclusion La Chartreuse de Parme comporte donc un incipit paradoxal, tout d'abord parce que le lecteur ne s'attend pas à ce qu'un roman réputé romanesque débute par un texte historique. [...]
[...] Cette invasion ne confisque donc pas l'identité nationale des Italiens. Ils ne sont pas dépossédés d'eux-mêmes par l'arrivée brutale des Français mais les vainqueurs les dotent d'une nouvelle conscience civique il fallait aimer la patrie d'un amour réel et chercher les actions héroïques où ils se retrouvent quelque chose que des siècles sensations affadissantes avaient occulté. Cette présentation paradoxale de l'histoire apparaît d'ailleurs dès l'Avertissement (texte qui précède l'incipit) : en effet, le locuteur participant aux conquêtes impériales est logé chez un chanoine padouane qui ne devait pas se montrer enchanté d'être occupé. [...]
[...] D'autre part le narrateur critique la censure à laquelle étaient soumis les Milanais (avant l'arrivée de Bonaparte) avec un lexique très méprisant dans l'expression un petiti journal grand comme la main opposant petit et grand mais pour désigner un journal qui ne présente aucun intérêt, caractérisé par sa petitesse et sa saleté saleté morale Enfin le verbe ils méritèrent de voir leur ville [ ] rasée antiphrastique, ironique souligne l'injustice subie par les lombards républicains qui précisément, auraient mérité en raison de leur bravoure égale à celle des Français de ne pas subir un tel désastre voir leur ville entièrement rasée Cet incipit remplit donc bien ces fonctions habituelles en répondant aux questions quand ? où ? qui ? mais le discours euphorique qui le caractérise révèle des intentions bien particulières avec la mise en place d'un climat épique et le motif du renouveau et de l'éveil qui relève davantage du symbole et du mythe. Un début d'épopée romanesque Une ère nouvelle L'histoire dont Stendhal rend compte n'a rien à voir avec celle des historiens, car il la transfigure en épopée. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture