L'Histoire d'une grecque moderne fut publiée en 1740 à Amsterdam mais fut écrite par un français, l'abbé Prévost (1697-1763). Ce roman raconte l'histoire, à la première personne, d'un ambassadeur français à Constantinople qui rencontre une jeune femme grecque du nom de Théophé dans le sérail de son ami le bacha Chériber. Celle-ci lui demande de l'aide pour recouvrer sa liberté et après plusieurs péripéties, le héros-narrateur y parvient et la conduit chez son maître de langue où elle logera quelques jours. Il lui demande alors de lui raconter son histoire, son passé, ce qu'elle fait. Le passage étudié suit la narration de son histoire par l'ambassadeur (il rapporte l'histoire racontée dans un style indirect) et nous place dans les pensées du narrateur.
[...] Bien qu'il n'y ait aucune modification du personnage-narrateur visible suite à cette rencontre, nous avons cependant une évolution de ses sentiments pour la jeune grecque. Ainsi, de son désintéressement pour elle, qu'il libère seulement par générosité, il en vient maintenant à penser à elle comme un objet de plaisir, un objet sexuel. Ce changement profond du héros-narrateur ne se voit pas encore puisque tout cela est normal mais nous pouvons supposer que ses sentiments vont encore évoluer et du désir purement sexuel pourrait naître un désir amoureux qui se transformera au final en une passion amoureuse, jalouse qui le conduira à la folie (ce qui sera le cas par la suite). Ce récit présente donc le caractère insidieux et graduel qui dominera l'esprit du narrateur dont nous avons la première étape de l'évolution sentimentale ici (...)
[...] Dans ce passage, les soupçons du héros-narrateur quant aux motivations de Théophé sont également mit en avant par son admiration de l'intelligence de la jeune grecque. Il reconnaît son talent oratoire avec les expressions reconnu d'esprit soupçonnait d'adresse su mettre dans sa contenance Son talent oratoire lui permet, selon lui, de faire sous-entendre certaines choses et de vouloir en faire comprendre une autre et cela provoque une interprétation du narrateur. C'est à cause de son talent oratoire que le narrateur vient à penser à une autre interprétation que celle qu'elle donne. [...]
[...] L'ambassadeur doute, non des paroles, mais des motivations et de l'intériorité de Théophé et même s'il ne comprend pas le but de ses duperies il cherche ici à prétendre, au contraire de son exorde initial, qu'il est maître de son esprit et de ses pensées. Il doute ici pour la première fois depuis le début de son histoire et dés les premières confessions de la jeune grecque, nous pouvons donc supposer que cela n'ira qu'en empirant au fil du récit. [...]
[...] Cette recherche de ses motivations le conduit à penser à elle comme un bien acquis, à un objet de plaisir qui recherche justement du plaisir auprès de lui. Au début de son histoire, le narrateur se présente comme suspect car épris d'une passion amoureuse envers la personne dont il va faire le procès et qu'il demande au lecteur de suivre en tant que juge. Dans la suite de son récit, il reprendra son histoire à son commencement, peu de temps avant sa rencontre avec la jeune grecque. [...]
[...] Cette inclination qu'il croit que Théophé a pour lui le conduira à penser à elle comme un objet sexuel, comme une maîtresse des plaisirs mais qui, à force de refus de la part de la jeune grecque, se transformera en passion amoureuse jalouse et destructrice. Ce passage est une anticipation au reste du livre puisque le doute y est présenté pour la première fois et qui caractérise l'ensemble du livre. L'évolution d'un désintérêt complet en intérêt érotique conduit également à penser que si l'évolution continue, cet intérêt se transformera en passion amoureuse. [...]
[...] De cette manière, il désire faire de Théophé sa maîtresse sans s'abandonner à une passion (certainement pas amoureuse qui plus est) : seul le plaisir de la chair compte ici. Or, il pense que Théophé, ayant vécu et ayant été éduqué dans le but de procurer du plaisir à son maître, ne s'y opposera pas et partagera sa couche, ce qu'elle avait déjà fait avec d'autres que lui. Nous sommes alors ici dans un univers européen et libertin : Théophé ne serait ni une épouse ni une concubine mais une maîtresse dont l'ambassadeur s'occuperait en subvenant à ses besoins. [...]
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