[...] La Fontaine feint de se trouver en difficulté dans le prologue de la fable qui nous est proposée. Mais comme nous pouvons le constater ici, il s'en tire avec beaucoup d'aisance et de légèreté. Il joue au chat et à la souris avec le jeune duc de Bourgogne, en comparant ce jeu à ceux qui sont évoqués dans les diverses saynètes de l'épître dédicatoire : jeu de la coquette avec ses amants, du sort avec les joueurs, de Louis XIV avec les souverains étrangers en politique étrangère, enfin de la muse du poète lui-même avec le jeune prince. Ce dernier avait en effet demandé un apologue dont le titre est devenu : « Le vieux chat et la jeune souris ». Le fabuliste devenu vieux s'est projeté sur le chat, et a transformé le prince en jeune souris. Sans doute ne pouvait-il faire autrement que de répondre à cette commande du petit-fils de Louis XIV, et renouveler un thème rebattu comme celui du « Petit poisson et du pêcheur » ou du « Milan et du rossignol ». « Un tien vaut mieux que deux tu l'auras » ou « Ventre affamé n'a point d'oreilles » étaient déjà des morales assez dures et sévères. Mais doit-on prendre ces moralités et celle de notre fable au pied de la lettre ? Par ailleurs, ne faut-il voir ici en La Fontaine que le représentant de l'homme de lettres du 17e siècle, c'est à dire le courtisan servile, le louangeur officiel du Roi-Soleil, travaillant à la gloire du règne ?
[...] Qu'attend Raminagrobis, la terreur des souris, l'Attila, le fléau des rats ? Peut-il se contenter de rhétorique et d'antithèses entre la petitesse de sa proie (5) et la foule des gens qu'elle importune, « l'hôte, l'hôtesse et tout leur monde » ? Le conditionnel en tête du vers 7 « Affamerais-je » rend sa supposition encore plus invraisemblable, et elle se trompe lourdement quand elle croit « payer de raisons » le maître matou, et en faire sa dupe. Elle fait enfin appel à la pitié et à l'émotion par une expression pittoresque et pleine de candeur rustique : « Une noix me rend toute ronde ».On sent ici l'humour de La Fontaine qui évoque une noix pour donner l'image d'une toute petite souris. (...)
[...] Ce dernier avait en effet demandé un apologue dont le titre est devenu : Le vieux chat et la jeune souris Le fabuliste devenu vieux s'est projeté sur le chat, et a transformé le prince en jeune souris. Sans doute ne pouvait-il faire autrement que de répondre à cette commande du petit-fils de Louis XIV, et renouveler un thème rebattu comme celui du Petit poisson et du pêcheur ou du Milan et du rossignol Un tien vaut mieux que deux tu l'auras ou Ventre affamé n'a point d'oreilles étaient déjà des morales assez dures et sévères. [...]
[...] Ce rythme plus rapide ne traduit-il pas un souffle plus court, la peur d'un animal qui s'affole devant le danger, et dont la peur va embrouiller les arguments ? D'ailleurs, à l'exemple du poète, défenseur de l'âme des bêtes, ne pourrait-on pas dire que le mot animal contient anima en latin, c'est à dire le souffle de vie et aussi l'âme, la pensée, du moins dans une certaine mesure. Tout au long de sa plaidoirie, la souris vouvoie le chat, comme on le constate à de multiples reprises (4/7/11/12) par les verbes à l'impératif et les adjectifs possessifs de la deuxième personne du pluriel .Certes nous trouvons des interrogations oratoires et des arguments d'ordre économique qui révèlent un certain talent oratoire et de l'habileté. [...]
[...] Sous cet air grave et sérieux de Tartuffe, voilà un personnage hypocrite et affamé, que notre pauvre souris a peu de chance de convaincre. C'est d'ailleurs en jouant au sourd (vers 16) qu'il a déjà expédié la belette et le petit lapin dans l'autre monde. Dans ce drame qui se prépare, il semble bien que le lecteur, poussé par La Fontaine ne peut hésiter sur le vainqueur. Tous les déséquilibres et toutes les oppositions entre les deux personnages sont maintenant réunis et nous allons les examiner. [...]
[...] Même la composition de l'apologue manifeste précisément la prééminence du vieux fabuliste sur le jeune prince. Le plaidoyer de la souris (vers 4-12) est en effet encadré par le jugement sévère du fabuliste dès l'exposition (vers et par le réquisitoire du chat suivi de la moralité proprement dite (22-25). Nous retrouvons aussi, comme d'habitude, des personnages qui portent des masques d'animaux, destinés à jouer sur la scène du monde, la comédie humaine. Afin d'égayer son récit, La Fontaine lui donne toute la gaieté et la vivacité possible, en le réduisant à sa plus simple expression et en développant les discours rapportés sous forme de dialogues directs. [...]
[...] Le poète nous livre donc une morale pessimiste qui s'adapte aux différents éléments du récit : l'éloquence est vaine si elle ne tient pas compte du destinataire, et la raison du plus fort est toujours la meilleure. Il faut y ajouter peut-être une leçon politique, dont on peut trouver l'origine et l'explication dans la fable milan, le Roi et le rossignol dédiée à son Altesse sérénissime, Monseigneur le prince de Conti, à l'occasion de son mariage avec la petite-fille du grand Condé. [...]
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