Commentaire de texte: Extrait d'Enfance de N. Sarraute (7 pages)
L'extrait étudié est issu de l'autobiographie Enfance publiée en 1983 et écrite par Nathalie Sarraute, une des figures emblématiques du Nouveau Roman. Elle y évoque dans de courts chapitres juxtaposés ses « souvenirs d'enfance »1, une enfance partagée entre sa mère et son père, entre la Russie, la Suisse et la France.
Cet extrait se situe en octobre 19092, alors que la petite Natacha vit à Paris, rue Marguerin, chez son père et sa belle-mère, Véra, sur le point d'accoucher. Il a été décidé qu'elle laisserait sa grande chambre libre afin de préparer l'arrivée du bébé, Hélène. En finissant de déménager les affaires de l'enfant, la domestique est prise de pitié et lui lance « Quel malheur quand même de ne pas avoir de mère ! ». Ces mots, et particulièrement le mot « malheur », vont avoir un effet inouï sur Natacha, créant un mécanisme d'enfermement et de contrainte. En quoi cette réaction constitue-t-elle un événement majeur dans la vie de Nathalie Sarraute, justifiant sa place au sein de son autobiographie ? Il s'agit ici de comprendre le rapport de l'auteur au langage ainsi que le pouvoir qu'elle confère aux mots, tout en étudiant la forme originale qu'elle donne à son récit.
Dès les premières lignes du texte, le vif affrontement entre Natacha et le langage est mis en évidence et la récurrence de l'utilisation du mot « malheur »3 dans cet extrait témoigne de sa place centrale. En effet, ce simple mot prononcé par une domestique va provoquer chez l'enfant un traumatisme, l'enfermant dans une réalité nouvelle.
[...] En effet, le texte met en scène deux voix qui représentent deux locuteurs différents, dans un dialogue marqué par des tirets. Ces narrateurs différents sont deux versants d'un même être, d'une même conscience : celle de l'auteur. On peut donc mettre en relief le dédoublement du narrateur qui représente le dialogue interne entre l'auteur et son alter- ego.[9] Une voix est féminine, plus émotive, plus proche du récit tandis que l'autre voix est masculine[10], franche et plus critique, de logique cartésienne. [...]
[...] Le mot semble donc précéder la chose et la mettre en forme, en forçant Natacha à reconnaître une nouvelle réalité. Face à cet enfermement puissant, le narrateur tente de définir cette réalité. Plusieurs questions rhétoriques ponctuent le texte, invitant le lecteur à partager cette réflexion : Alors c'est ça ? Et c'est ça un malheur ? La difficulté d'en saisir le sens est amplifiée par le fait que le même mot recouvre trois réalités différentes : l'absence due à la séparation d'un être cher, l'abandon et la mort. [...]
[...] Ce questionnement permet non seulement de résumer l'événement, par l'expression être pris dans un mot mais il permet aussi de prendre du recul. S'il s'agissait bien de sa première fois, ce n'était certainement pas la dernière La voix critique collabore donc ici avec la voix narratrice. Dans un dernier paragraphe, la voix critique fait un parallèle avec le mot bonheur qui se pose en antithèse avec le mot malheur, et cite au discours indirect libre la voix narratrice qui se débat face aux grands mots terrifiants dont elle voudrait se passer De plus, plusieurs choix syntaxiques situent ce texte dans l'enfance. [...]
[...] En quoi cette réaction constitue-t-elle un événement majeur dans la vie de Nathalie Sarraute, justifiant sa place au sein de son autobiographie ? Il s'agit ici de comprendre le rapport de l'auteur au langage ainsi que le pouvoir qu'elle confère aux mots, tout en étudiant la forme originale qu'elle donne à son récit. Dès les premières lignes du texte, le vif affrontement entre Natacha et le langage est mis en évidence et la récurrence de l'utilisation du mot malheur dans cet extrait témoigne de sa place centrale. [...]
[...] Tout un champ lexical de l'enfermement est particulièrement révélateur. Tout d'abord, on peut relever les verbes qui ont pour sujet le mot malheur : frappe s'est abattu a fondu m'enserre me tient Il s'agit de verbes d'action puissants, qui personnifient le mot et lui confèrent un pouvoir d'autorité important. De plus, on peut également noter l'utilisation fréquente des adverbes invariables dedans et dans ainsi que de la préposition sur insistant sur le fait que le malheur a pénétré à l'intérieur même de l'être de l'enfant. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture