[...] ? Le titre de l'oeuvre pose d'emblée question au lecteur : dans quel sens faut-il prendre le terme « Ravissement » ? Rapt, violence ou enchantement, transport délicieux ? Qui est le ravisseur ? Qui est la personne ravie ? Lol V. Stein est-elle l'objet ou le sujet du ravissement ?
- La disposition du texte est en elle-même surprenante, puisque on trouve deux grands espaces blancs de trois lignes après la première phrase de cet extrait et après la ligne 9.
? Le lecteur n'a pas une connaissance directe du bal, puisqu'il s'agit de la reconstitution a posteriori de l'événement par un narrateur qui en a une connaissance indirecte : lui-même n'a pas assisté au bal. C'est Tatiana Karl qui le lui a raconté, et le lecteur ne peut pas l'oublier, comme le lui rappellent régulièrement les incises : « raconte Tatiana » (l.16), « se rappelait clairement Tatiana » (l.22), « pensa Tatiana » (l.30), et la formulation « Tatiana la trouva » (l.51).
[...] ? Un personnage central déroutant : la réaction de Lol est paradoxale : elle est décrite comme « frappée d'immobilité » (l.21), mais contrairement à ce qu'on attend traditionnellement d'un personnage de roman (manifestation des émotions, expression de la souffrance face au dépit amoureux), Lol est montrée comme impassible : « Cette vision et cette certitude ne parurent pas s'accompagner chez Lol de souffrance. » (l.50). Tout au long de l'oeuvre, le lecteur n'aura pas accès à l'intériorité de Lol, mais à son étrangeté, qualifiée par les autres de « maladie » ou de folie. (...)
[...] En multipliant notamment les incises, qui soulignent que le narrateur n'a pas été témoin de la scène racontée, Marguerite Duras nous rappelle aussi que l'accès à l'autre est toujours médiatisé par le langage, et que nous nous construisons notre propre histoire des gens qui nous entourent. C. Une remise en question de notre mode de lecture habituel Ce texte apparaît comme un jeu avec les stéréotypes et les références littéraires : o Duras reprend le motif du bal et du coup de foudre, mais montre Lol aussi sous l'emprise du ravissement provoqué par Anne- Marie Stretter. o L'auteur remotive de surcroît le motif de la femme fatale dans son sens premier. [...]
[...] (l.45-46) indique aussi que la fatalité est en marche, avec la personnification de l'histoire, sujet du verbe commencer II. LES DÉCALAGES PAR RAPPORT AU RÉCIT CLASSIQUE DE LA SCÈNE DE BAL A. Des personnages étonnants Lol V. Stein La dénomination Lol V. Stein est originale et attire l'attention par son étrangeté. Aucune indication physique n'est apportée sur ce personnage dans ce passage, si ce n'est son âge : Les dix-neuf ans qui ont précédé cette nuit (l.4). On a peu d'informations sur son rapport aux autres personnages : on comprend qu'elle était la fiancée de Michael Richardson au moment du bal le fiancé de Lol, Michael Richardson l.17) et qu'elle est ensuite devenue quelqu'un d'important pour le narrateur, sans que leur relation ne soit précisée l'écrasante actualité de cette femme dans ma vie l.7). [...]
[...] Bien plus, la phrase qui suit, avec l'expression faux semblant semble faire pencher la balance du côté du mensonge Les interrogations Qui était-elle ? Était-elle belle ? Quel était son âge ? Qu'avait-elle connu Par quelle voie mystérieuse ? (l.25- Avait-elle regardé Mickaël Richardson en passant ? (l.31), S'étaient-ils reconnus lorsqu'elle était passée près de lui ? (l.36) semblent formuler les questions que se pose tout lecteur de roman concernant les personnages, mais le narrateur n'y répond pas. ( Ces questions minent en outre la dramatisation du récit amorcée par la dernière phrase du deuxième paragraphe. [...]
[...] (l.22), toute-puissante, en tout cas sur elle-même : Elle se voulait ainsi faite et vêtue, et elle l'était à son souhait, irrévocablement. (l.23-24) o Enfin, l'image poétique surprenante Leur marche de prairie les menait de pair où qu'elles aillent. (l.29), soulignée par la musicalité tenant à la reprise des mêmes sonorités, dans le même ordre contribue à faire de ce personnage un être hors du commun. ( Le texte accumule donc des allusions mythologiques hétéroclites qui contribuent à faire de ce personnage un être hors du commun. B. [...]
[...] Cette vision et cette certitude ne parurent pas s'accompagner chez Lol de souffrance. Tatiana la trouva elle-même changée. Elle guettait l'événement, couvait son immensité, sa précision d'horlogerie. Si elle avait été l'agent même non seulement de sa venue mais de son succès, Lol n'aurait pas été plus fascinée. Elle dansa encore une fois avec Michael Richardson. Ce fut la dernière fois. COMMENTAIRE I. LE RÉCIT DU COUP DE FOUDRE ENTRE MICHAEL RICHARDSON ET ANNE-MARIE STRETTER LORS D'UN BAL : LA REPRISE DU TOPOS Topos littéraire (ou lieu commun) : sujet littéraire qui revient souvent jusqu'à constituer un thème récurrent et attendu dans la littérature. [...]
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