[...] Au même titre que la scène d'exposition d'une pièce de théâtre, l'incipit d'un roman indique généralement au lecteur le nom des personnages, la nature de leur relation, le lieu, le temps et le ton. Or, ici, le narrateur lui refuse ces repères en semblant lui-même s'interroger « Comment s'étaient-ils rencontrés ? » (l-1) «comment s'appelaient-ils ? » (l-2 ). Diderot joue avec son lecteur : il le fait attendre, il l'égard « Que vous importe ? » (l-2) et soulève ainsi la question de l'illusion dans le roman. Son récit n'est pas linéaire; plongé dans une conversation dont il ignore le début et l'objet, le lecteur doit reconstituer la chronologie et l'histoire de Jacques. Le pronom «ils » de la première phrase ne renvoie à aucun nom et le lecteur doit attendre la troisième ligne pour relier ce « ils » à Jacques et son maître que l'auteur laisse dans un complet anonymat. Nous identifions cependant les personnages : le héros éponyme, son maître (l-3), le capitaine (l-4), le cabaretier (l-9) et le père de Jacques (l-13) car Diderot veille à donner au lecteur désorienté les indices nécessaires pour reconstituer seul le fil de l'histoire. (...)
[...] Le héros est éponyme et son maître n'est défini que par rapport à lui. Le comportement des personnages confirme cette inversion : le Maître pose des questions comme si son serviteur présentait un intérêt supérieur au sien, il parle peu, n'a pas de caractère propre. Il semble être face au serviteur comme le lecteur face au philosophe. A l'inverse, Jacques est bavard: c'est son histoire qui fait l'objet du récit.Le serviteur se moque même de son Maître et le fait languir« Tu as donc été amoureux ? [...]
[...] Conclusion : Avec cet incipit déroutant qui mêle théâtre et roman, l'auteur pose la question de la liberté, à la fois celle de l'auteur dans sa manière d'écrire et celle de l'homme face aux conventions sociales. Il nous invite à réfléchir sur l'écriture romanesque et à remettre en cause le monde pour exercer pleinement notre liberté. On pourrait rapprocher Jacques le fataliste d'un anti-héros comme on les trouve au XXème siècle notamment dans La Peste de Camus en la personne de Grand ou chez Karl dans L'Amérique de Kafka. *Le déterminisme est une notion philosophique selon laquelle chaque événement est déterminé par un principe de causalité. [...]
[...] Un régiment passait pour aller au camp devant Fontenoy ; de dépit je m'enrôle. Nous arrivons ; la bataille se donne. Le maître.-Et tu reçois la balle à ton adresse. Jacques.-Vous l'avez deviné ; un coup de feu au genou ; et Dieu sait les bonnes et mauvaises aventures amenées par ce coup de feu. Elles se tiennent ni plus ni moins que les chaînons d'une gourmette. Sans ce coup de feu, par exemple, je crois que je n'aurais été amoureux de ma vie, ni boiteux. [...]
[...] Le pronom «ils de la première phrase ne renvoie à aucun nom et le lecteur doit attendre la troisième ligne pour relier ce ils à Jacques et son maître que l'auteur laisse dans un complet anonymat. Nous identifions cependant les personnages : le héros éponyme, son maître le capitaine le cabaretier et le père de Jacques car Diderot veille à donner au lecteur désorienté les indices nécessaires pour reconstituer seul le fil de l'histoire. Un mélange de genres Comme au théâtre alors qu'il s'agit d'un roman, l'incipit s'ouvre sur un dialogue, ce qui est peu conventionnel. [...]
[...] Objet d'étude: Le personnage de roman, du XVIIe siècle à nos jours Denis Diderot Jacques le fataliste (1796) Comment s'étaient-ils rencontrés ? Par hasard, comme tout le monde. Comment s'appelaient-ils ? Que vous importe ? D'où venaient-ils ? Du lieu le plus prochain. Où allaient-ils ? Est-ce que l'on sait où l'on va ? Que disaient-ils ? Le maître ne disait rien ; et Jacques disait que son capitaine disait que tout ce qui nous arrive de bien et de mal ici- bas était écrit là-haut. [...]
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