Une ode est polysémique : chez les Anciens, c'était un poème héroïque ou anacréontique, destiné à être chanté ; du point de vue formel, elle se composait de strophes semblables entre elles par le nombre et la mesure des vers ; on peut aussi la mettre en musique. Une odelette ne serait rien d'autre qu'une "petite ode", première tentative d'un jeune poète.
Parues en 1853 et insérées dans la prose des Petits Châteaux en Bohême, les Odelettes sont une quinzaine de courts poèmes que Nerval écrivit au début des années 1830, autour de sa vingtième année.
Jeune encore, influencé par la poésie baroque et celle de la Pléiade, il donna à ce recueil le titre d'Odelettes, allusion discrète aux Odes de Ronsard. On peut se demander dès lors en quoi "Avril", "Le coucher du soleil" et "Fantaisie" obéissent aux lois du genre.
[...] C'est toujours l'Histoire qui fait figure d'actant dans cette scène lorsque le "coup d'œil" du poète porte sur "le coucher du soleil [ ] encadré dans l'Arc de l'Etoile". Le vocabulaire est toujours mélioratif dans ce poème ; la seule allusion à "la nuit" et à son "voile" est comme noyée dans une fulgurance de couleurs. Qu'en conclure, sinon à l'admiration de Nerval pour la beauté d'un phénomène naturel sans doute, mais aussi, en raison du lieu choisi, pour la splendeur du passé ? [...]
[...] On peut se demander dès lors en quoi "Avril", "Le coucher du soleil" et "Fantaisie" obéissent aux lois du genre. Leur regroupement n'est pas innocent et l'on se demandera ensuite les raisons de cette étude collective en mettant en lumière leurs points communs, mais aussi leur propre spécificité, variations autour d'un même thème qui préludent déjà l'œuvre à venir. Une ode est polysémique : chez les Anciens, c'était un poème héroïque ou anacréontique, destiné à être chanté ; du point de vue formel, elle se composait de strophes semblables entre elles par le nombre et la mesure des vers ; on peut aussi la mettre en musique. [...]
[...] Les rimes, quant à elle, sont variables : plates puis embrassées pour "Avril", croisées pour "Le coucher du soleil" ; "Fantaisie" propose des rimes embrassées dans le premier quatrain puis des rimes croisées dans les trois autres. Freiné certes par la convention formelle, Nerval tente de s'en échapper quelque peu, préfigurant ainsi, à sa manière, le Verlaine de Romances sans paroles. Derrière la régularité musicale, le lecteur pressent quelques ruptures et audaces. Dans son ouvrage Ame romantique et le rêve, Albert Béguin situe ainsi Nerval : "Un précurseur aventuré cent ans plus tôt sur les chemins de la poésie moderne." Ces trois poèmes préfigurent le début de l'aventure nervalienne et des chemins de l'errance. [...]
[...] Nerval évoque le rouge et ses nuances : "murs enflammés", "reflet rougeâtre" "l'incendie", "un coteau [ ] que le couchant jaunit", "les vitraux teints de rougeâtres couleurs". Il semble déjà fasciné par la lumière vive ; plus tard, il écrira Les Illuminés (1852) et Les Filles du feu (1854). En un savant contraste, il propose des teintes plus fraîches : "un ciel d'azur", "Le printemps verdissant et rose", la couleur de la pluie et de l'eau, "un coteau vert", les teintes d'une "rivière" et de "fleurs". [...]
[...] Une liberté à l'intérieur des poèmes certes, mais qui opère également entre les poèmes : aucun n'est semblable ; si "Avril" semble sage, "Le coucher" ouvre une autre perspective qui se prolonge dans "Fantaisie". Cette suite de trois poèmes forme un tout qui nous indique la direction vers laquelle nous entraîne Nerval. Cette rupture de la forme n'est pas le seul point commun aux trois œuvres. Nerval va ensuite nous parler de temporalité : une saison, un moment de la journée, une époque historique. [...]
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