Situation : Corbière se situe entre symbolisme et décadentisme. JM Gleize rappelle l'extrême importance des liens de Corbière avec Rimbaud et Artaud, car il s'agit d'une étape vers « l'impasse de la poésie », vers la mort de l'idéal poétique. Voilà la mort de l'idéal de communication véhiculée par le langage.
Présentation rapide du poème : Le « Rondel » est la forme archaïsante pour dire rondeau. Il s'agit d'une forme conventionnelle composée d'un quatrain, d'un tercet et d'un quintile. L'écho du premier et du dernier vers forme une ronde. Cependant, le titre inscrit cette convention sous le signe de la blague.
Proposition d'un axe de lecture : C'est un poème dédié à un poète mort, peut-être pour « mettre en boîte le poète, mettre en bière le poème » (Gleize). On trouve là une opposition entre la vision du poète léger, tendre, fantaisiste, et une dérision un peu amère à l'encontre de la mort, des ambitions immortelles de la poésie. Comment rire « jaune » ?
[...] Les amourettes sont à la fois des petites amours amours pour rire une fleur, et des testicules d'animaux. On a ici une déconnexion des termes lexicaux avec leur sens reçu. Cette préciosité est confirmée par une composition qui relève d'un travail d'orfèvre. Le poète est en effet un peigneur substantif du verbe peigner D'ailleurs, le complément du nom joue sur l'image de la comète à chevelure que peigne le poète. Mais par métaplasme, le peigneur devient aussi une sorte de peintre, de barbouilleur qui met les fleurs sur les tombes et qui bariole les têtes de mort. [...]
[...] Tension entre une aspiration à l'idéal et l'humour noir Dans l'encadrement du texte, du 1er au dernier vers, se trouve le ciel, objet de désir au-delà du monde. On a ici affaire à un poème-fusée ; les interjections anaphoriques Va vite en soulignent l'urgence. Une aspiration vers le ciel est autorisée par le texte ; l'image du peigneur de comètes suggère par sa fantaisie une légèreté au-delà du monde. L'aspiration vers le ciel est signe d'une tentation du lyrisme : usage hypocoristique (formule de tendresse, affectation) des épithètes : léger pauvre petit mort Tout cela amène une sorte de couronnement dans le tercet, couronne de fleurs avec les fleurs de tombeau et les fleurs d'oubliettes soulignée par la rime riche des vers 5 et 7. [...]
[...] Mais ces rimes correspondent avant tout à des rimes pour l'œil, le poème étant parcouru par un travail constant de mutilation du texte. On trouve là une ponctuation qui ronge les fins de vers, avec une ponctuation forte où se multiplient les points de suspension. Dans le tercet central, la fin en est amputée par les points de suspension, dans l'attente d'un verbe quoi n'arrivera pas. La dernière strophe présente des ruptures de système d'énonciation multiples, notamment avec les tirets. [...]
[...] Mais ces énoncés semblent se contredire au cours du texte : celui qui était nommé léger poète de comètes se voit reprocher de faire le lourd Le tercet fait miroiter des fleurs qui foisonneront ; tandis que la strophe suivante présente une boite à violon qui sonnait le creux La métamorphose le fait rejoindre la nature dans la strophe 1 (c'est une libération) ; tandis qu'il est enfermé à la fin dans un jeu vain. La parole du texte souligne la futilité de l'existence et l'instabilité de toute parole dans le poème. Le ciel est posé comme objet de désir au début, mais pour mieux avouer la radicale indignité de ce ciel littéraire. II. [...]
[...] C'est le cas du vers 7 : les points de suspension sont censés créer une pause pour mieux faire admirer le jeu de mots qui précède. Mais cela tend bien plutôt à l'alourdissement des pauses. Cela participe d'un jeu de déconstruction syntaxique : inversion de l'ordre phrastique au vers 3. L'expression que l'on croit populaire foisonner plein peut aussi être une forme de néologisme : très joli ? Très raté ? Soit plein est un adverbe, soit une proposition. Dans les deux cas, sont usage n'est pas correct grammaticalement. [...]
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