Commentaire composé complet de l'extrait de "La Rue Polanki" de Pawel Huelle, avec l'introduction, 3 parties et une conclusion - extrait à commenter entre "Le silence tomba" (p. 175) et "sous le pont de chemin de fer jusqu'à Oliwa". (p.176)
[...] Il ne cesse en effet de naviguer entre les différents noms donnés à l'actuelle comme à l'ancienne rue Polanki : « Pelonker Weg », « rue Slowacki », « Hubertusburgerallee », cette rue est en fait à l'image de l'histoire de « Gdansk – Danzig » - et du pays tout entier. Baptisée, débaptisée, rebaptisée, elle a connu beaucoup de noms. Or, celui qui a trop eu de noms est souvent considéré comme n'ayant plus d'identité, juste des regrets et des lambeaux de mémoire. C'est sans doute cette angoisse qui ronge le narrateur et le pousse à vouloir recréer à tout prix cette rue Polanki telle qu'il l'a connue. Pour qu'elle demeure et qu'elle soit enfin figée dans une réalité, la sienne. [...]
[...] Le lecteur n'est donc pas surpris lorsque le narrateur se lance dans la description détaillée, comme s'il avait le « plan de la ville datant du début du siècle » sous les yeux, de la rue Polanki. La référence directe à la « madeleine de Proust » permet clairement au lecteur de comprendre l'importance que le narrateur attache au souvenir de cette rue. Ainsi, à la manière du personnage proustien, l'évocation de la rue polanki telle qu'elle existait autrefois va resurgir comme un monde détruit et soudain recrée. [...]
[...] Nous démontrerons que si la première partie du passage est résolument tournée vers l'avenir, c'est pour mieux mettre en valeur un retour « proustien » vers un passé à l'intérieur duquel le narrateur va prendre plaisir à déambuler, pour ne pas oublier. * Le passage s'ouvre sur un « silence » qui s'installe entre le narrateur et sa femme, illustrant ainsi l'abîme qui règne entre les époux. L'auteur choisit l'angle humoristique pour présenter Anula et sa réaction lorsqu'elle prend connaissance de l'invitation faite par le Président lui- même. « et moi, évidemment, je n'ai rien à me mettre » est d'ailleurs la phrase qui précède l'extrait. [...]
[...] Au milieu de cette atmosphère teintée de superficialité, le narrateur semble vouloir aller à contre-courant de l'insouciante légèreté qui caractérise Anula. Personnage résolument tourné vers l'avenir (à l'image de Kwasniewski), Anula contraste avec la nonchalance qui se dégage du narrateur et se traduit par son hermétisme total, tout absorbé qu'il est par l'évocation de la rue dans laquelle habite le Président. L'auteur semble vouloir étirer et distendre le temps à travers des phrases longues, enchâssées et regorgeant de propositions subordonnées comme pour mieux anéantir le vortex de préoccupations futiles dans laquelle Anula s'est engouffrée. [...]
[...] * Si la pensée du narrateur trébuche entre les temps, ce dernier cherche à tout prix à se raccrocher aux lieux de son passé, et à travers cette démarche, à faire revivre l'histoire de son pays, meurtri par des guerres de pouvoir qui ont longtemps malmené ses frontières. Sa démarche est celle d'une mémoire individuelle qui souhaite revivre dans l'espoir de devenir, avec le temps, mémoire collective. Il se dégage de cet extrait une sorte de nostalgie mais aussi une volonté tenace de s'accrocher à un passé révolu. Tandis qu'Anula incarne un désir d'aller de l'avant, le narrateur, lui, restera jusqu'à la fin de la nouvelle englué dans le passé, passant ainsi à côté de son présent, sans doute par peur de l'avenir. [...]
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