Le livre de Job, qui appartient à l'Ancien Testament dans la parties des « Autres Textes », développe le récit de l'histoire d'un homme bon, riche, à la famille nombreuse et en bonne santé, dont la piété est remise en cause par Lucifer. Dans le prologue du livre, celui-ci prétend que si Job est bon et pieux, ce n'est que parce que la vie (et donc Dieu) a été bonne pour lui, et que s'il subissait des malheurs, la force de sa foi faiblirait. Dieu, confiant en Job, le laisse détruire les richesses de cet homme, tuer ses enfants, et enfin lui donner la lèpre. Survient alors une deuxième partie constituée d'un courte introduction et d'un dialogue entre Job et trois de ses amis : Elifaz, Bildad, et Cofar. Ce mouvement prend la forme de « poèmes » organisés régulièrement selon l'ordre de prise de parole Job, Elifaz, Bildad, Sophar. La réécriture de Hanok Levin, Les Souffrances de Job, bouleverse la nature du texte biblique en en faisant une pièce de théâtre en vers libres, où l'alternance des personnages est oubliée au profit d'une déformation qui touche également le contenu des répliques de chacun. Dans quel sens est mise en oeuvre la déformation de la source biblique et comment Hanok Levin ajoute-t-il à cette discussion une profondeur contemporaine plus que théologique ?
[...] Enfin, nous analyserons la dimension polémique de l'œuvre, présente à la fois à travers le comique de l'extrait et la tonalité plus grave de sa seconde partie. La transformation principale de ce texte en est la remise en cause de l'existence de Dieu exprimée par Job. Dans la Bible, Job cesse de voir en Dieu une instance juste et bonne pour l'homme, et implore la mort, car la vie offerte par Dieu lui semble insupportable ; ceci s'exprime de manière particulièrement sensible dans le premier poème de Job ( 3.3 où l'isotopie de la mort et les appels qui l'accompagnent sont très présents. [...]
[...] Cette position est la conséquence d'un raisonnement par l'absurde : il n'y a pas de raison pour que Dieu l'ait autant déchu, or il l'a été, donc Dieu n'existe pas. Tout comme la vision négative de Dieu est le sujet des poèmes dans la Bible, c'est cette affirmation qui est, dans l'œuvre de Levin, le sujet de la conversation. Mais alors que les interlocuteurs de Job ne lui faisaient pas de concession dans la Bible, ici le premier mouvement semble une sacralisation de Job pour ses malheurs, comme l'expriment les lignes 9 à 14 de la page 37 : par l'opposition du nous au toi et de tout va bien à tout perdu une distance respectueuse et prudente est établie. [...]
[...] et les accuse eux-mêmes : Pour garder vos coffres-forts, vous avez embauché Dieu Ce passage, qui survient après le tournant dramatique, renoue avec la profondeur du texte biblique et les enjeux du pari entre Dieu et Lucifer, prouve ou infirme que les hommes ne croient en Dieu que lorsqu'ils n'ont pas de soucis. Hanok Levin semble prendre le parti du diable en affirmant aussi ouvertement l'argument. Le personnage de Bildad paraît incarner un certain extrémisme. On l'a vu, c'est lui qui pousse la logique les autres le font, pourquoi pas toi ? à son extrême. [...]
[...] La situation initiale est identique à celle de la Bible : les trois amis ne reconnaissent pas Job, défiguré par la lèpre. Cet épisode ( 2.12 ) est traité sur le mode tragique et pathétique dans la Bible, le récit relatant le déchirement de leurs vêtements, et les jets de poussière. Ces actions sont alors des actes de douleur et d'autopunition. Dans la réécriture, au lieu de recourir par mimétisme à la forme didascalique, c'est Elifaz qui dit aux deux autres : Amis, déchirons nos vêtements, / couvrons-nous la tête de cendres / et prions Dieu avec humilité page 36, vers 16-17. [...]
[...] Hanok Levin se garde cependant des partis-pris idéologiques trop affirmés, mais met en scène en réutilisant l'Ancien Testament des préoccupations contemporaines, et intemporelles. [...]
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