Louis Aragon (1897-1982) est un écrivain français du XXe siècle. Son univers romanesque diffère de ses engagements patriotiques, visibles notamment au travers du poème "Le Musée Grévin" publié en 1943 et dans lequel il s'insurge contre les Hommes dominés, déplorant la situation de la France dont la situation périclite avec la Seconde Guerre mondiale. Son intérêt pour les conflits modernes du XXe siècle transparait amplement dans son Oeuvre. Entre 1934 et 1944, suite à sa rupture avec André Breton, avec lequel il avait fondé le mouvement surréaliste, il se lance dans la rédaction d'un cycle romanesque intitulé Le Monde réel. Aragon brosse le portrait de la France de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle par le biais de personnages communs aux différents romans de cette suite romanesque. Publié en 1944, Aurélien succède à Les Voyageurs de l'impériale (1942). Le roman évoque la complexité de la relation amoureuse entre le héros éponyme, Aurélien Leurtillois, et Bérénice Morel dans l'entre-deux-guerres. La dimension psychologique du roman amène à une réflexion approfondie sur les personnages évoluant dans « les années folles ». Le chapitre soixante-neuf se situe relativement à la fin de l'histoire.
[...] Il connaît Blanchette mieux qu'elle ne se connaît elle-même. De plus, l'antithèse « bien » et « mal » témoigne de l'étendue de la connaissance d'Edmond. Cette dimension se prolonge dans l'extrait avec la citation : « Il jouissait grandement du pouvoir qu'il avait de faire, sans que ni Blanchette le sût ni la couturière, que la robe entreprise, pour un détail, fît de sa femme un être sans charme, ou presque une beauté. » (l.17-21). L'adverbe d'intensité « grandement » montre que la satisfaction d'Edmond est à la hauteur du pouvoir qu'il détient. En effet, le pouvoir est du côté du mari, comme le renforce la conjonction « ni » qui exclue la couturière et la femme d'Edmond. Edmond a le pouvoir de décision. Il a un contrôle total sur sa femme, comme le met en évidence l'antithèse « sans charme » et « une beauté ». Cela témoigne de la capacité d'Edmond à diriger, contraindre sa femme notamment à ses goûts et envies. L'hégémonie d'Edmond ne rencontre pas d'opposition, ainsi l'auteur écrit : « Certes, elle se savait à son avantage, et chiffrait justement d'où pouvait être venue à Edmond cette insistance de l'y mettre ainsi. » (l.37-40). La fin de la phrase et la formule « de l'y mettre ainsi » est paradoxale. Alors que le pronom « y » mentionne Blanchette, le verbe « mettre » renvoie en général à une action effectuée sur un objet (...)
[...] Le projet d'Edmond est donc d'être au sommet de la société. Puis, les toilettes dénote l'ensemble des vêtements et accessoires portés par Blanchette. Cela révèle l'objectif de cette soirée, qui est d'être remarqué. C'est pourquoi Edmond se livre à une préparation méticuleuse de l'événement ; il faut être en accord avec les codes de la société. La citation parée aux couleurs de l'Or dénote le luxe, la richesse. Le clinquant connote l'admiration. Enfin, la forme interrogative de la phrase et l'utilisation de l'adverbe plus signifient qu'on ne peut faire mieux. [...]
[...] Ainsi on le trouve lorsqu'il s'agit d'exprimer le fait qu'elle ne soit pas disposée à aller à la soirée et lorsque l'on apprend qu'elle aurait préféré rester avec Adrien. Ces deux expressions de volonté vont à l'encontre du projet d'Edmond et participent de la prise de distance de Blanchette avec cette soirée. Ainsi envisageons- nous le désintérêt de Blanchette pour cet événement mondain. Blanchette est attirée par Adrien, opposé au personnage d'Edmond dans l'extrait. Deux marques d'opposition jalonnent la fin de l'extrait : Pourtant (l.34) et Mais (l.44). Elles témoignent clairement d'une opposition. [...]
[...] Il est manifestement à l'origine du choix de la robe de sa femme. Il la devance en termes de choix, de décisions. L'implication d'Edmond est totale comme le montre la longue phrase : Il avait inventé qu'elle serait en Danaé, et il avait donné des soins extraordinaires à cette robe, qu'il avait voulu qu'elle commandât chez Chanel, et pour laquelle il avait longuement parlé lui-même avec la grande couturière, dont il avait suivi les essayages avec une surprenante passion (l.10-15). [...]
[...] Enfin la métaphore du tour diabolique renforce l'image négative d'Edmond et insiste sur l'idée de souffrance ressentie par Blanchette. Puis, Blanchette pense qu'il s'agit là de quelque chose de futile. L'extrait souligne en effet la position de Blanchette sur ce plan, qui ne voit là que des frivolités. Ainsi, on relève la phrase : Blanchette en devenait nerveuse, qui aurait comme à l'habitude tellement préféré s'en remettre à Chanel, et pour qui ce bal doré à Louveciennes n'était guère qu'un ennui mondain, une soirée dont elle se serait passée bien volontiers. (l.28-33). [...]
[...] En outre, cette phrase est chargée d'une connotation péjorative qui instaure une distance entre Blanchette et le projet d'Edmond. Blanchette est une personne centrée sur elle-même. Toutefois, sa réflexion est visible dans l'extrait. Elle est consciente des agissements de son mari mais n'ose pas marquer d'opposition dans ses plans. Son regard sur Edmond révèle une distance entre la soirée mondaine et sa personnalité. Au travers de l'extrait transparaît un triple désintérêt de Blanchette pour la soirée. Tout d'abord, Blanchette subit l'omniprésence accablante d'Edmond. [...]
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